Le droit selon le modèle de la loi : les limites de la théorie de la reconnaissance de Honneth et de l’interprétation anthropologique du droit de Supiot

View/ Open
Publication date
2014Author(s)
Lenoble, Jacques
Subject
DroitAbstract
Cet article montre les limites de la démarche épistémologique privilégiée par la théorie de la reconnaissance d’Axel Honneth. Pour interroger cette démarche, l’auteur s’intéresse à la conception anthropologique du droit d’Alain Supiot qui subordonne, tout comme la théorie de la reconnaissance, la possibilité du droit à une condition qui lui est extérieure, à une métarègle, une loi de la loi. En s’appuyant sur un principe extérieur qui en garantirait l’opérativité et l’effectivité, le droit ainsi pensé présuppose la capacité du social à s’auto-transformer en fonction des exigences de la raison. Chez Honneth, l’existence de l’opération d’apprentissage des sujets individuels et collectifs demeure supposée, tandis que chez Supiot, la loi de la loi est assurée par ce Tiers garant mis en position de condition transcendantale de tout ordre juridique. Tout en insistant sur le caractère problématique du modèle de la loi de la loi, le présent article propose un déplacement épistémologique prenant acte de la dimension pragmatique de l’indétermination. La finitude de la raison implique qu’il n’est pas possible, ni dans la perspective de la norme elle-même ni dans celle du juge au moment interprétatif, de formaliser les conditions de l’application. La possibilité du droit à se réaliser effectivement dépend plutôt à la fois de l’usage qui en est fait par ceux qui ont charge de l’appliquer et de sa construction coopérative par tous les acteurs concernés. This article sets out the limits of the epistemological approach favored by the theory of recognition of Axel Honneth. In examining this approach, the writer looks at the anthropological conception of law by Alain Supiot, which points out, like the theory of recognition, the possibility of law being dependent upon an external condition, a meta-rule, a law of the law. By relying on an external principle which would ensure its operability and effectiveness, the law so conceived presupposes the capacity of social actors to transform themselves, based on the requirements of reason. For Honneth, the existence of the learning operation of individual and collective subjects is still supposed, while for Supiot, the law of the law is guaranteed by the “Other” put in a transcendental position of any legal order. While emphasizing the problematic nature of the model of the law of the law, this paper proposes an epistemological shift based on the pragmatic dimension of indeterminacy. Finitude of reason means that it is not possible, neither in the context of the norm itself nor in the perspective of the judge at the time of interpretation, to formalize the conditions of application. Rather, the possibility of the law becoming effective depends on both the use made of it by those responsible for its implementation as well as its cooperative construction by all stakeholders.
The following license files are associated with this document: