La défiscalisation des entreprises au Québec est un mythe : Pour aller au-delà de la croyance populaire
Publication date
2006Author(s)
Godbout, Luc
Fortin, Pierre
St-Cerny, Suzie
Abstract
Au cours des dernières années, on a souvent entendu dire que les entreprises constituées en sociétés ne paient pas leur juste part d'impôt au Canada et au Québec. La rumeur voudrait que nos entreprises contribuent moins qu'avant au financement de l'État et qu'elles bénéficient d'un fardeau fiscal moins élevé qu'ailleurs. La plus récente source d'une telle affirmation est un document récemment publié par un collectif d'auteurs de la Chaire d'études socio-économiques de l'UQAM dirigé par deux professeurs de comptabilité de l'institution, MM. Michel Bernard et Léo-Paul Lauzon. Dans ce document, intitulé L'autre déséquilibre fiscal, on peut relever huit affirmations : 1. Au Québec, au cours des dernières décennies, les profits des sociétés ont augmenté plus vite que les salaires. 2. Au Québec, les gouvernements taxent de moins en moins les profits des sociétés. 3. En 1991, le gouvernement fédéral a aboli sa taxe de vente défrayée par les entreprises (l'ancienne TFV) pour la remplacer par une nouvelle taxe de vente (la TPS actuelle) à la charge des particuliers. 4. Les impôts des entreprises pèsent de moins en moins lourd dans les revenus fiscaux des gouvernements, de même que dans le revenu intérieur total du pays. 5. La majorité des entreprises québécoises ne paient pas un sou d'impôt. 6. Les entreprises québécoises reçoivent plus de subventions du gouvernement du Québec qu'elles lui versent d'impôts. 7. De généreux avantages fiscaux permettent à beaucoup d'entreprises d'éviter de payer de l'impôt malgré qu'elles affichent des bénéfices nets positifs. 8. L'instauration d'un impôt minimum des sociétés au taux de 5 % des bénéfices avant impôt aurait permis au gouvernement du Québec de recueillir 1,2 milliard de dollars (G$) en 1999 [1,5 G$] auprès des entreprises réalisant un bénéfice comptable, mais ne payant pas présentement d'impôt. Après avoir examiné une à une ces huit affirmations, nos huit conclusions sont, au contraire, les suivantes : 1. Au Québec, au cours des dernières décennies, les salaires ont augmenté au même rythme que les profits des sociétés. 2. Au Québec, les gouvernements taxent de plus en plus les profits des entreprises. 3. La TPS fédérale actuelle est répercutée intégralement dans les prix de vente payés par les consommateurs tout comme l'était l'ancienne taxe fédérale de vente (la TFV). 4. Les impôts des entreprises pèsent de plus en plus lourd dans les revenus fiscaux des gouvernements et dans le revenu intérieur total du pays. 5. La quasi-totalité des entreprises québécoises paient des impôts. 6. Les entreprises québécoises versent beaucoup plus d'impôts au gouvernement du Québec qu'elles reçoivent de subventions. 7. Si plusieurs entreprises ne paient pas d'impôt malgré qu'elles affichent des bénéfices nets positifs, c'est en raison de mécanismes fiscaux mondialement utilisés, permettant notamment d'éviter la double imposition des profits distribués inter-sociétés et de reporter les pertes sur un autre exercice. 8. L'expérience récente de l'Ontario montre qu'un impôt minimum des sociétés au taux de 5 % des bénéfices avant impôt ne procurerait pas plus que 75 millions de dollars (M$) par année au fisc québécois. Notre analyse retient donc la conclusion, contraire à la croyance populaire, qu'au cours des dernières décennies le poids global de l'imposition des entreprises du Québec a considérablement augmenté, à la fois en niveau absolu et relativement à la moyenne des pays du G7. Cette démonstration ayant été faite, il restera maintenant à vérifier si cela est en réalité une bonne chose. Il se pourrait que taxer lourdement le capital productif investi par les entreprises, comme le fait le Québec, ne soit pas la meilleure manière de réaliser le double objectif fondamental que vise toute société équilibrée : d'une part, favoriser la création d'emploi et de richesse; et, d'autre part, faire payer leur juste part d'impôt aux classes favorisées.