La conservation des requins du Golfe du Mexique via l’amélioration des connaissances

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Publication date
2014Author(s)
Morin, Mathieu
Abstract
Les requins sont une composante essentielle dans l’équilibre des écosystèmes côtiers, épipélagiques océaniques et d’eaux profondes du Golfe du Mexique. Occupant souvent des rôles de prédateurs d’apex, ils entretiennent de fortes interactions avec les autres taxons de leurs réseaux trophiques. Le déclin des populations de requins est susceptible d’entraîner des cascades trophiques et de provoquer un déséquilibre des écosystèmes pouvant mener à leur effondrement. La capture et la perte d’habitat exercent d’importantes pressions sur les populations de requins du Golfe du Mexique. La pêche dirigée, les captures accidentelles, l’aileronnage et la pêche récréative entraînent un fort taux de mortalité d’origine anthropique. L’absence de suivi des prises accessoires, des pêcheries mexicaines et des activités illégales comme l’aileronnage mènent à une sous-estimation de l’impact des activités de capture sur les requins du Golfe du Mexique. Le développement côtier, l’emploi d’équipements de pêche destructifs, l’eutrophisation et l’exploitation pétrolière affectent également les habitats marins du Golfe. Ces activités entraînent la destruction et la dégradation de milieux pouponnières, d’aires d’alimentation ou de reproduction, dans tous les types de milieux (côtiers, océaniques, profonds, pélagiques, benthiques). Les stratégies d’histoire de vie lentes des requins les rendent vulnérables face aux pressions s’exerçant sur eux. Cette vulnérabilité leur fait courir des risques réels d’extinction. Deux facteurs influencent l’ampleur de ces risques. Il s’agit du degré d’exposition aux pressions, dicté par les habitats fréquentés et certains paramètres physiques et comportementaux, ainsi que de la capacité de résilience aux pressions, modulée par les paramètres bioreproductifs. Les niveaux de pression dans le Golfe du Mexique sont difficilement soutenables pour plusieurs populations et ont causé des déclins très substantiels chez certaines d’entre elles. Malgré la vulnérabilité qui caractérise les requins du Golfe du Mexique, le fait qu’ils soient à risque de disparaître demeure difficile à faire accepter. Pourtant, la croyance populaire selon laquelle les populations de poissons marins sont immunisées contre les risques d’extinction est erronée. L’accessibilité croissante à tous les habitats marins fait en sorte que l’immensité des bassins océaniques ne suffit plus à protéger les requins de l’extinction. Les paramètres biodémographiques des requins ne leur permettent pas de se rétablir rapidement à la suite d’un déclin démographique. Les risques d’extinction sont donc bien réels. La préservation des requins du Golfe du Mexique passe par une gestion éclairée, appuyée sur une bonne connaissance de leurs risques d’extinction. Le protocole d’évaluation de la liste rouge des espèces menacées de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) permet d’évaluer l’ampleur de ces risques. En se basant sur les connaissances à propos des taxons, il offre des estimations justes et comparables entre elles de leurs situations de conservation. Le phénomène de niveau de référence changeant, la rareté de données historiques fiables et l’unicité des populations constituent toutefois des obstacles à l’évaluation des déclins subis par les populations de requins du Golfe du Mexique et de leurs risques d’extinction. Les requins du Golfe du Mexique sont méconnus. L’état imparfait des connaissances actuelles fait en sorte qu’il est impossible d’évaluer les risques d’extinction de 29 % des espèces du Golfe. La détermination de la capacité de résilience d’une espèce de requin et de sa vulnérabilité face à l’extinction passe par la connaissance de ses paramètres bioreproductifs. L’âge à maturité et la taille corporelle maximale sont les paramètres les plus influents sur la résilience des requins. Les requins peuvent être divisés en trois groupes selon le type d’habitat qu’ils fréquentent (requins épipélagiques océaniques, néritiques et d’eaux profondes). L’exposition aux pressions anthropiques et les niveaux de connaissances culminent chez les espèces néritiques. Les requins d’eaux profondes sont les plus vulnérables face aux pressions et les plus méconnues. Les requins épipélagiques océaniques sont les plus résilients parmi les requins. Les niveaux d’exploitation actuels devraient permettre de récolter suffisamment de données pour évaluer les risques d’extinction des requins. Une optimisation de l’accessibilité aux spécimens capturés permettrait de faire avancer les connaissances. La priorisation de l’acquisition de données à propos de l’âge à maturité, de la taille maximale et de la taille des portées est souhaitable. Les espèces peuvent être priorisées selon les niveaux de connaissances actuels les concernant, leur exposition aux pressions, le fait qu’elles aient ou non un statut de conservation, ou selon d’autres critères valables. La quête pour déterminer les états pré commerciaux des populations de requins doit se poursuivre. La protection des juvéniles et l’éducation du public amélioreraient la situation de conservation des requins.
Collection
- Sciences – Essais [104]