La prise en compte des populations locales dans la mise en place d’aires protégées : études de cas au Guatemala et au Maroc

View/ Open
Publication date
2009Author(s)
Côté, Vincens
Abstract
La diversité biologique est durement menacée par l’activité humaine, mais de plus en plus d’actions sont entreprises afin de la protéger. On crée une quantité croissante d’aires protégées, alors même que leur vocation et les façons de faire sont en changement. Le paradigme de la conservation est en évolution constante. Ainsi, on accorde, pour des raisons éthiques et d’efficacité, beaucoup plus d’attention aux populations vivant sur les territoires protégés, en sollicitant leur participation à la prise de décision. La mise en application du principe de participation à travers le monde est inégale et l’étude de la manière dont il est appliqué dans divers pays peut servir à voir quelles sont les forces et les faiblesses de différents systèmes d’aires protégées. Cet essai analyse la mise en place et la gestion de deux aires protégées, l’une au Guatemala et l’autre au Maroc, et tente d’en dégager des variantes quant à l’application du principe de participation et du nouveau paradigme de la conservation dans ces pays. La science de la conservation est essentiellement multidisciplinaire ; elle vise la préservation de la diversité biologique et l’utilisation durable de ses éléments. Le paradigme de la conservation a évolué avec le temps, notamment en ce qui a trait aux aires protégées. En effet, les premières aires protégées étaient très isolées, et leur gestion, relativement rudimentaire, impliquait une prise de décisions centralisée où seuls les gouvernements détenaient le pouvoir. Aujourd’hui, la création d’aires protégées est axée sur la conservation de la biodiversité en même temps que certains des usages que l’on en fait. La protection du « patrimoine de l’humanité » est maintenant un enjeu largement reconnu et intéresse une multitude d’organisations internationales. De plus, les outils de la conservation sont plus complexes et complets, et une partie du pouvoir est passé aux mains des populations. La participation des populations locales et indigènes dans la gestion des aires protégées est donc maintenant considérée comme souhaitable : elle peut se faire en intégrant des aires protégées traditionnelles dans le système formel ou en impliquant les populations dans la prise des décisions relatives aux aires protégées existantes ou en création. On présume que cette participation aura des avantages normatifs et pragmatiques et que seule l’application des règles de bonne gestion de la participation permet de les maximiser. Le Guatemala compte des aires protégées depuis 1955. Sa loi sur les aires protégées a été votée en 1989, et sa politique sur les aires protégées a été rédigée en 1999. Celle-ci met l’accent sur les besoins des populations et stipule que la conservation doit servir les gens et non le contraire. La mise en place de la Reserva Forestal Municipal de Todos Santos Cuchumatán, effectuée en 2004, illustre la manière dont cette loi est mise en application. Dans la mise en place de la réserve, les administrateurs ont intégré les populations locales dès la détermination de ses objectifs à travers tout le processus. Toutefois, peu de faits scientifiques ont été utilisés pour déterminer la nature de la protection. Au Maroc, les premières lois sur les aires protégées ont été rédigées en 1934. La législation marocaine concernant les aires protégées est actuellement considérée comme obsolète et confuse, et le pays prépare en ce moment une loi plus moderne. En attendant une législation plus claire, la politique sur les aires protégées du pays a été rédigée en 2004. La biodiversité y est considérée comme un trésor national et la participation des populations y est reconnue nécessaire pour faciliter l’acceptation des normes. Afin de voir comment la politique est prise en compte dans création des aires protégées au Maroc, la mise en place du Parc National d’Ifrane, officialisée en 2004, a été étudiée. Dans ce Parc National, les populations gèrent une partie des zones de conservation et ont pu déterminer la manière dont elles seraient compensées pour la restriction sur l’usage du territoire. Elles n’ont toutefois pas participé à la rédaction du plan d’aménagement du parc. De grands efforts ont été entrepris dans les deux pays pour intégrer le nouveau paradigme de la conservation et le principe de participation. Dans les deux cas, on observe une division du territoire en zones gérées différemment, ce qui permet de penser que le futur de la conservation réside dans les aires protégées à usages multiples, ou même à la gestion territoriale intégrée.
Collection
- Sciences – Essais [105]