L’émergence des maladies exotiques de la faune à l’ère de la mondialisation : études de cas sur deux maladies fongiques

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Publication date
2015Author(s)
Lacroix Pelletier, Chanel
Subject
Maladies infectieusesAbstract
À l’échelle globale, l’émergence et la dispersion accélérée des maladies infectieuses constituent un défi largement reconnu, qui ne cesse de grandir autant chez les humains que chez les animaux domestiques ou la faune. D’ailleurs, les cas d’émergence de maladies infectieuses chez la faune sont nombreux, et l’impact que peuvent avoir les agents pathogènes impliqués sur la santé des animaux est maintenant critique pour la conservation. À l’ère de la mondialisation, la situation actuelle est synonyme d’accroissement des changements anthropiques et climatiques, accentuant ainsi le rôle des maladies au niveau des communautés et des écosystèmes. Les pathogènes fongiques, notamment, émergent de plus en plus et induisent de graves infections chez les populations fauniques, représentant du coup une menace grandissante pour les espèces affectées. Ce type d’agent infectieux peut être extrêmement létal lorsqu’il réussit à s’établir au sein d’une population hôte. Deux maladies fongiques émergentes sont actuellement impliquées dans le déclin de populations fauniques, et ont d’énormes répercussions sur la biodiversité et sur l’équilibre des écosystèmes. Il s’agit de la chytridiomycose, une infection cutanée engendrée par le champignon pathogène chytridiomycète Batrachochytrium dendrobatidis, et affectant les populations d’amphibiens à l’échelle globale. Cette maladie infectieuse de la faune détient d’ailleurs le record de l’impact le plus important par rapport aux hôtes, de par les déclins multiples et les extinctions répandues. Parallèlement, le syndrome du museau blanc est une infection fongique similaire touchant diverses espèces de chauves-souris (famille des Vespertilionidae) hibernant en Europe et en Amérique du Nord, qui est aussi causée par un champignon dermatophyte, du groupe des ascomycètes, portant le nom de Pseudogymnoascus destructans. Toutes deux sont des maladies comportant des défis de conservation et de gestion importants: l’établissement de l’agent infectieux se fait rapidement et surtout de manière inattendue, le taux de mortalité chez les hôtes susceptibles être très élevé et finalement, l’interaction entre les différents acteurs qui régit l’infection est très complexe.
Dans ce contexte, l’objectif principal de cet essai repose sur l’identification des causes de l’accélération de la dispersion intercontinentale des maladies fongiques chez la faune, par l’entremise des deux études de cas. La comparaison exhaustive des deux infections permet de souligner les caractéristiques similaires entre celles-ci, et ultimement d’identifier certains patrons généralisables aux autres maladies fongiques animales, ainsi que des associations entre les acteurs impliqués dans leur dispersion. Le fait que l’émergence des deux pathogènes, initialement non connus, se soit fait si rapidement suggère le rôle de facteurs clés, comme le niveau de virulence, la présence de réservoirs multi-hôtes, ainsi que la dispersion anthropique sur de longues distances. De surcroît, d’autres éléments identifiés au niveau de la chytridiomycose et du syndrome du museau blanc peuvent aussi être appliqués aux maladies fongiques mondialement: les champignons se transmettent et se dispersent de différentes façons; ils ont plusieurs réservoirs abiotiques favorisant leur persistance dans l’environnement sans l’intermédiaire d’un hôte animal; leur pathogénicité varie selon l’histoire de vie de l’hôte; ils envahissent les individus lorsque leurs fonctions immunitaires sont supprimées ou diminuées, en secrétant des protéases qui aident à coloniser; finalement, les changements globaux paraissent influencer leur prévalence et accentuer leur dispersion, le commerce, le transport et les voyages internationaux étant des facteurs très influents. L’émergence de telles maladies est d’ailleurs souvent associée à l’introduction d’une espèce native d’un endroit vers de nouvelles aires géographiques, ce qui résulte en une nouvelle interaction hôte-pathogène.
Étant donné que les pathogènes fongiques sont à l’origine d’un nombre croissant d’extinctions d’espèces, il s’avère urgent d’agir et de proposer des recommandations de pistes de recherches prioritaires, afin de préserver les espèces affectées par ce fléau se perpétuant à l’échelle globale. Pour réussir à y faire face, il est de mise d’approcher plus largement le problème, en coordonnant les efforts de recherches intersectorielles et en promouvant la coopération internationale quant à la surveillance des maladies. De plus, des études à grande échelle, qui sont rares jusqu’à présent, permettraient d’identifier les concepts clés à la base des infections et de leur émergence, comme les caractéristiques du pathogène ou l’interaction que ce dernier peut avoir avec l’hôte et l’environnement. Si on désire contrer l’accélération de la dispersion des maladies fongiques chez la faune et mieux considérer leur épidémiologie, il est crucial de bien comprendre les voies que les agents infectieux empruntent afin de persister dans l’environnement. Ces propositions de recherches devraient grandement aider à mieux orienter le contrôle et la gestion des maladies fongiques futures, quoiqu’il soit parfois difficile de bien cerner les composantes clés à la base des infections, de par leur complexité biologique.
Collection
- Sciences – Essais [106]
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