Le nématode à kyste du soja (heterodera glycines) : enjeux des changements climatiques sur sa distribution, sa reproduction et sur les probabilités de synchronisme avec le soja (glycines max) au Québec
Publication date
2013Author(s)
Gendron-St-Marcelle, Anne-Fréderique
Abstract
De nos jours, à travers le monde, on assiste à la progression des monocultures. D’une part, ces monocultures rapportent beaucoup d’argent à l’état et offrent la possibilité de réduire l’insécurité alimentaire grâce à la production de masse. Cependant, elles simplifient les écosystèmes en avantageant la culture d’un nombre très restreint d’espèces rentables. Parmi ce nombre restreint d’espèces cultivées, une grande partie est exotique et génétiquement modifiée afin de rejoindre les caractéristiques agronomiques de leur terre d’accueil. Par exemple, le soja (Glycine max L. Merr) est une plante des régions chaudes de l’Asie préférant les jours courts qui a été améliorée génétiquement afin d’être cultivée dans les régions plus nordiques. C’est ainsi que le soja a vu son aire de distribution s’étendre sur de nouveaux continents, notamment en Amérique du Nord et du Sud, où les superficies cultivées et les quantités produites ne cessent de croître. D’ailleurs, aujourd’hui le principal producteur mondial est représenté par les États-Unis suivi du Brésil et de l’Argentine. À la faveur de la mondialisation, les échanges d’équipements agricoles et le mouvement des semences ou du matériel végétal se sont incroyablement accrus ces dernières années et ont entraîné l’introduction d’espèces exotiques envahissantes qui menacent les agroécosystèmes de soja mondiaux. L’introduction en Amérique, en Europe et en Afrique, le nématode à kyste du soja (NKS) (Heterodera glycines Ichinohe), un endoparasite des racines ayant coévolué avec le soja en Asie et qui, aujourd’hui, chevauche l’aire de distribution mondiale du soja. Avec les changements climatiques (CC), l’aire de distribution, la phénologie, la morphologie et les mécanismes de défense de la plante seront altérés et cela pourrait avoir des répercussions profondes sur les interactions hôte-endoparasite avec H. glycines. Par conséquent, cet essai s’intéressera à la nature des impacts qu’auront ces modifications sur la production de soja et les modes de gestion à adopter. La modélisation bioclimatique tout comme l’utilisation d’analogues spatiaux sont deux outils complémentaires qui permettent respectivement de simuler l’impact des CC sur la phénologie du soja et sur le cycle de vie du NKS ainsi qu’identifier les modes de gestion utilisés dans les régions possédant des caractéristiques climatiques et problématiques comparables. L’étude de cas sera centrée sur le Québec, puisqu’il est urgent d’évaluer les impacts qu’aura le NKS, récemment détecté à Saint-Anicet, sur les agroécosystèmes québécois de soja et sur son potentiel d’établissement dans les différentes régions agricoles. Ainsi, des modèles mathématiques ont été développés afin de connaître la durée de la saison de croissance du soja et celle du développement du NKS en utilisant un climat de référence (1970-1999). Neuf scénarios simulant le climat du futur (2041-2070) ont été évalués pour six régions agricoles québécoises : Bas-Saint-Laurent, Capitale-Nationale, Centre-du-Québec, Lanaudière, Montérégie et Saguenay-Lac-Saint-Jean. Ces modélisations ont permis de découvrir qu’à l’horizon 2050 (période 2041-2070) pour toutes les régions ciblées, que la durée des stades phénologiques serait plus courte et le soja atteindrait la maturité jusqu’à 21 plus tôt et que l’aire de production du soja s’étalera vers le nord du Québec. Également, les résultats des modélisations démontrent que le NKS peut actuellement compléter de trois à quatre cycles de vie selon la latitude de la région. En outre, puisque la durée des stades de croissance sera plus courte dans le futur, il pourra en compléter de trois à cinq. En outre, il semble que le synchronisme entre le soja et le NKS sera maintenu dans le futur et qu’en général les phases sensibles du soja seront affectées davantage puisque, dans certaines régions, une seconde génération de juvéniles apparaîtra et ils pourraient accentuer les dommages et les pertes de rendement. Finalement, afin d’identifier des solutions de gestion respectueuses de l’environnement, certaines régions américaines productrices de soja et actuellement aux prises avec la présence du NKS ont servi d’analogues spatiaux. Ainsi, l’analyse des modes de gestion et de contrôle du NKS utilisés dans les analogues a permis de cibler des options de gestion potentielles pour le Québec telles que l’utilisation de cultivars résistants, mais également de relever diverses problématiques comparables à celles qui seront rencontrées au Québec. D’ailleurs, une des problématiques les plus importantes est sans contredit liée au développement de cultivars résistants, mais également durables dans le temps. Par conséquent, des recommandations concernant la direction que devra prendre la recherche ont été faites en insistant sur l’urgence de séquencer tous les gènes de résistance présents dans les lignées parentales habituellement utilisées pour le développement de cultivars. Grâce à cela, il sera possible de cibler les plus durables et de les adapter aux phénotypes des populations retrouvées au Québec de même qu’aux groupes de maturité pouvant être cultivés dans les différentes régions agricoles, et ce, à la faveur des CC.
Collection
- CUFE – Essais [1338]