Les rôles des préférences alimentaires et de la mémoire spatiotemporelle des ressources dans la quête alimentaire du singe hurleur du Guatemala (Alouatta Pigra)

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Date de publication
2012Auteur(s)
Plante, Sabrina
Résumé
La fragmentation et la destruction de l'habitat sont les principales causes du déclin chez plusieurs espèces de primates, dont le singe hurleur du Guatemala (Alouatta pigra), endémique au nord de la Mésoamérique. Il est donc essentiel d'approfondir nos connaissances de la stratégie alimentaire utilisée par cette espèce, afin de lui assurer une meilleure conservation. Dans ce sens, l'étude des processus de quêtes alimentaires en milieu naturel, telles que la mémorisation de la position et la prédiction de la disponibilité des ressources ainsi que la discrimination de certaines ressources en fonction des préférences alimentaires peuvent nous informer sur la nature de la stratégie de recherche alimentaire utilisée. L'objectif de cette recherche était d'identifier la stratégie de recherche alimentaire du singe hurleur du Guatemala en déterminant les rôles de la mémoire spatiotemporelle des ressources et des préférences alimentaires. Pour ce faire, trois troupes de singes localisées dans ou près de la Réserve de la Biosphère Calakmul au Mexique ont été suivi [i.e. suivis] dans leurs mouvements associés à la quête alimentaire. Les mouvements d'individus ont été modélisés en utilisant une approche récemment développée qui permet d'intégrer des fonctions de sélection de ressources à la structure des chaînes de Markov. J'ai finalement évalué l'influence des préférences alimentaires, déjà décrites pour cette espèce, de l'état de satiété, ainsi que de la disponibilité spatiotemporelle des ressources alimentaires sur les mouvements. À une échelle spatiale restreinte, c'est-à-dire à l'intérieur de la capacité de détection visuelle, les singes tendaient à se déplacer vers des arbres appartenant à des espèces préférées et particulièrement ceux qui contenaient des ressources consommables. À une échelle spatiale plus grande, c'est-à-dire au-delà de leur capacité de détection visuelle, les singes semblaient éviter les arbres déjà visités pour l'alimentation. Finalement, l'état de satiété des singes semblait dicter la probabilité de quitter un arbre. L'ensemble de ces résultats suggère que les singes hurleurs du Guatemala adoptent une stratégie de quête alimentaire visant à maximiser les gains énergétiques à courts termes. Dans le contexte du site d'étude, il apparaît que la mémoire spatiotemporelle est utilisée seulement dans l'évitement d'arbres visités pour l'alimentation, et non dans la planification de mouvements plus longs vers des arbres potentiellement intéressants pour la consommation. La présence d'un compétiteur alimentaire important, le singe araignée (Ateles geoffroyi Kulh 1920), pourrait induire la stratégie de quête alimentaire observée chez les singes hurleurs du Guatemala. Les singes araignées étant beaucoup plus mobiles et agressifs que les singes hurleurs du Guatemala, il est fortement possible que ces derniers adoptent une stratégie de quête alimentaire qui leur évite de parcourir de grandes distances pour des ressources qui ne seront possiblement plus disponibles tout en évitant de s'exposer à des situations conflictuelles. L'absence d'évidence de l'utilisation de la mémoire dans la planification de mouvements vers des ressources attrayantes pourrait être due à l'abondance d'une espèce d'arbre sélectionnée positivement par les singes hurleurs du Guatemala, Brosimum alicastrum . En effet, cette espèce fournit des parties végétales consommées presque toute l'année et sa forte densité sur les sites d'étude n'induit aucun stress alimentaire poussant les singes à se déplacer sur de longues distances pour trouver des ressources. L'étude des mouvements des animaux est essentielle dans notre compréhension de certains processus, telle que l'utilisation de la mémoire dans les quêtes alimentaires. Comme plusieurs le suggèrent, les écologistes du comportement et du paysage devraient joindre leurs efforts pour stimuler des études en écologie du mouvement englobant les différents aspects du mouvement chez les animaux. Ainsi, l'inférence de mouvements dans différents scénarios, tels que ceux de perte d'habitat et de changements climatiques, pourra servir à l'élaboration de plans de conservation en se basant non seulement sur des effectifs de populations et la disponibilité d'habitats, mais aussi l'assemblage spatial (i.e la connectivité) des îlots ou des arbres propices à l'alimentation.
Collection
- Sciences – Mémoires [1785]