Études de l’impact négatif des acides gras sur le système immunitaire des vaches laitières

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Publication date
2022Author(s)
Vanacker, Noémie
Subject
Vaches laitièresAbstract
La période péripartum est connue pour être à risques pour la vache laitière. En effet, durant cette période celle-ci se retrouve souvent en immunodépression et est donc plus susceptible de développer des problèmes de santé. Nos travaux antérieurs ont montré qu’il existe une relation entre la diminution des fonctions immunitaires et la balance énergétique négative et plus particulièrement l’augmentation de la concentration sanguine en acides gras non estérifiés (AGNE).
L’objectif général de cette thèse était de caractériser plus spécifiquement l’effet des AGNE sur les systèmes immunitaire et métabolique des vaches laitières dans le but d’élaborer des stratégies permettant de diminuer leur impact.
La première étude visait à évaluer l’impact d’un supplément d’acide folique et de vitamine B12 et d’une restriction alimentaire sur plusieurs paramètres immunitaires. Pour ce faire, seize vaches ont reçu sur une période de 5 semaines des injections intramusculaires hebdomadaires soit de solution saline soit de 320 mg d’acide folique et 10 mg de vitamine B12. Au cours de la cinquième semaine, les vaches ont été nourries à 75 % de leur apport ad libitum pendant 4 jours. Des échantillons de sang ont été prélevés au cours de l’expérience afin d’évaluer les populations de cellules sanguines, la capacité de phagocytose et la flambée oxydative des leucocytes polymorphonucléaires (PMN), la prolifération des mononucléaires du sang périphérique (PBMC) et les concentrations d’acides gras non estérifiés et de β-hydroxybutyrate (BHB). Le supplément vitaminique n’a affecté aucune des variables testées, à l’exception de la teneur en matière grasse du lait et en lactose. La restriction alimentaire a réduit la production de lait et augmenté la concentration d’AGNE. Cette dernière n’a pas affecté les populations de cellules sanguines, mais a réduit le pourcentage de PMN positifs pour la flambée oxydative. La prolifération des PBMC a été réduite lorsque le milieu de culture cellulaire a été supplémenté avec des sérums collectés pendant la restriction alimentaire. En conclusion, la restriction alimentaire a affecté les fonctions des PMN et des PBMC et cet effet n’a pas été empêché par le supplément d’acide folique et de vitamine B12. Ces résultats appuient l’hypothèse selon laquelle le plus grand risque de maladies infectieuses chez les vaches souffrant d’un NEB est lié à une altération des fonctions des cellules immunitaires par une concentration circulante élevée d’AGNE.
Lors de la deuxième étude, nous avons évalué l’effet de 11 acides gras (acides palmitoléique, myristique, palmitique, stéarique, oléique, linoléique, docosahexaénoïque, linoléique conjugué, laurique, eicosapentaénoïque et linolénique) ainsi qu’un mélange d’acides gras représentant le profil d’AGNE observé au cours de la période de transition à différentes concentrations (0, 50, 100 et 250 µM) sur la prolifération et la sécrétion de cytokines des lymphocytes. Pour évaluer la lymphoprolifération, des cellules mononuclées du sang périphérique (PBMC) de 5 vaches saines ont été isolées et stimulées à l’aide d’un agent mitogène, la concanavaline A (ConA) en présence ou en absence d’acides gras. Nos résultats ont montré que tous les acides gras, à l’exception de l’acide laurique, réduisaient significativement la prolifération des PBMC de manière dose-dépendante. Pour la sécrétion de cytokines, nous avons constaté que les niveaux d’IL-4 dans le surnageant de culture de PBMC stimulés par la ConA étaient réduits à la suite de l’ajout des acides oléique, palmitoléique, eicosapentaénoïque, myristique et du mélange d’AGNE. Les PBMC ont également montré une diminution de la sécrétion d’Interféron-γ (IFN-γ) en réponse aux acides laurique, linolénique, palmitoléique, stéarique et myristique. Dans l’ensemble, les acides gras polyinsaturés étaient des inhibiteurs plus puissants des sécrétions de cytokines que les acides gras saturés. De plus, nous avons détecté une corrélation négative entre les points de fusion des acides gras et leur capacité à inhiber les sécrétions d’IL-4 et d’IFN-γ, comme en témoigne une plus grande inhibition avec les acides gras à bas point de fusion. De manière générale, l’étude a permis de confirmer que les AGNE ont un effet négatif sur certaines fonctions lymphocytaires et que leur effet inhibiteur sur les sécrétions de cytokines augmente avec le degré d’insaturation.
Enfin, il est difficile de déterminer l’effet exact des AGNE sur le système immunitaire, car d’autres perturbations métaboliques et hormonales se produisent simultanément pendant la période de transition. Pour la dernière étude présentée dans cette thèse, nous avons déterminé l’impact des AGNE sur les fonctions immunitaires à l’aide d’un modèle expérimental conçu pour évaluer leurs effets indépendamment du bilan énergétique, des changements hormonaux et métaboliques dus à la parturition. Six vaches taries et non gestantes ont été infusées soit avec de l’eau stérile (traitement témoin) soit avec une émulsion lipidique (Intralipid© 20%, traitement lipidique) un plan de triple carré latin. Les concentrations sanguines d’AGNE, de BHB de glucose, d’insuline, la prolifération et la sécrétion d’INF-γ des lymphocytes ainsi que la phagocytose et la flambée oxydative des neutrophiles ont été évaluées avant, pendant et à la fin de la perfusion. L’infusion de lipide a causé une augmentation graduelle des concentrations d’AGNE, de BHB de glucose et d’insuline dans le sang. La lymphoprolifération a décliné dès 3h après le début de la perfusion de lipides. À 3h et 6h de perfusion, le traitement lipidique a significativement réduit la concentration d’INF-γ dans le surnageant des cellules de culture. La perfusion de lipides n’a pas affecté la phagocytose des neutrophiles, mais a réduit le pourcentage de ceux-ci produisant une flambée oxydative. Ces résultats confirment que les AGNE inhibent les fonctions immunitaires, et ce indépendamment du bilan énergétique et des autres changements qui se produisent pendant la période de transition. Ils indiquent également qu’une concentration élevée de lipides sanguins provoque une résistance à l’insuline. Le modèle animal développé nous permettra dans un premier temps de mieux comprendre les voies biologiques impliquées dans la modulation des réponses immunitaires et l’apparition de l’insulinorésistance provoquée par les AGNE.
Les résultats de cette thèse nous montrent que les deux systèmes, le métabolisme et l’immunité, sont des systèmes dynamiques et étroitement liés, on parle d’ailleurs de plus en plus de l’immunométabolisme.
Collection
- Moissonnage BAC [279]
- Sciences – Thèses [20]
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