Effet de l’ajout d’une composante de pleine conscience à un programme d’activités physiques sur la pratique d’activités physiques d’adolescentes
Publication date
2022Author(s)
Morin, Marie-Christine
Subject
Pleine conscienceAbstract
La sédentarité est maintenant reconnue comme une pandémie, engendrant des coûts annuels mondiaux de santé publique et de diminution de la productivité excédant les 500 milliards de dollars (Ding et al., 2016). Selon une étude menée entre 2007 et 2015, seulement 7 % des jeunes canadiens, âgés entre 6 et 17 ans, atteignent quotidiennement les recommandations en matière d’activité physique (Colley et al., 2017). En outre, il est possible d’observer une différence significative entre les genres (Rosselli et al., 2020), alors que les filles âgées entre 12 et 17 ans s’activent en moyenne durant 42 minutes par jour, contrairement à 55 minutes pour les garçons de la même tranche d’âge (Colley et al., 2017). De multiples barrières psychologiques propres aux adolescentes sont répertoriées, face à la relation qu’elles entretiennent avec la pratique d’activités physiques (Robbins et al., 2003; Rosselli et al., 2020).
Néanmoins, bien que d’importants efforts soient déployés pour favoriser l’adoption d’un mode de vie actif, il apparaît que les nombreuses interventions qui ont été élaborées au cours des dernières années aient rencontré, pour la plupart d’entre elles, un succès assez modeste, particulièrement à long terme (Michie et al., 2009; van de Kop et al., 2019; Young et al., 2014). Depuis peu, une réflexion a été amorcée par certains chercheurs en vue de l’élaboration d’interventions basées sur des fondements s’éloignant des théories traditionnelles de modification de comportement, dans le but de potentialiser les efforts menant à l’adoption d’un mode de vie actif (Butryn et al., 2011; Jenkins et al., 2019; Longshore et al., 2019; Pears et Sutton, 2020). À travers cette réflexion, la pleine conscience émerge comme une avenue novatrice, montrant déjà un caractère solutionnaire par rapport à la modification ou à l’adoption de certaines habitudes de vie, telles que l’alimentation ou l’arrêt tabagique (Fanning et al., 2018; Gao et Shi, 2015; Gilbert et Waltz, 2010). Depuis un certain nombre d’années, cette approche se fraye aussi un chemin jusqu’à multiples équipes de chercheurs qui en montrent les bénéfices sur le bien-être, l’anxiété et la régulation émotionnelle (Broderick et Metz, 2009; Huppert et Johnson, 2010). Néanmoins, les études qui s’attardent à ses effets potentiels sur la pratique d’activités physiques chez les adolescentes sont sous-représentées dans la littérature scientifique, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’évaluer l’activité physique de manière objective.
Ainsi, le présent projet de recherche a pour objectifs de : a) évaluer les effets de l’ajout d’une composante de pleine conscience à un programme d’activités physiques sur la fréquence, la durée et l’intensité de la pratique d’activités physiques, b) évaluer les effets de cette composante sur l’état de pleine conscience, la flexibilité psychologique, l’anxiété, le sentiment d’efficacité personnelle, le bien-être psychologique, l’estime de soi et la détresse psychologique et c) documenter les perceptions des participantes par rapport à leur pratique d’activités physiques, à leur réinvestissement et à leur appréciation de l’intervention.
Pour y parvenir, 29 élèves de troisième secondaire ont été recrutées au sein d’une école et divisées en trois groupes distincts. Le premier groupe a expérimenté cinq séances d’activités physiques sur l’heure du dîner, impliquant une pratique de pleine conscience ajoutée aux séances. Le second groupe a traversé le même programme d’activités physiques, mais les activités de pleine conscience ont été remplacées par des capsules de promotion de la santé. Puis, le troisième groupe a fait office de groupe contrôle, c’est-à-dire qu’il n’a participé à aucune séance d’activités physiques, mais a rempli les questionnaires et les journaux de bord qui ont été distribués à tous les groupes avant, après et deux mois après l’intervention. De leur côté, toutes les adolescentes ayant participé aux séances d’activités physiques ont également porté des accéléromètres pendant cinq jours consécutifs, avant et après l’intervention.
Les résultats ne montrent aucune différence significative quant à la pratique d’activités physiques des participantes mesurée quantitativement avant et après l’intervention. Les variables de santé mentale ciblées, représentant également des indicateurs par rapport à l’adhésion à l’activité physique en faisant œuvre de barrières ou de prédicteurs, ne présentent pas non plus de changement pour les mêmes périodes de mesures. Toutefois, les données recueillies à l’aide des journaux de bord permettent d’observer une amélioration des perceptions des participantes qui ont été exposées à la pleine conscience par rapport à plusieurs éléments en lien avec la pratique d’activités physiques, tels que la perception de soi, l’état d’esprit, le sentiment d’efficacité personnelle et la motivation. En contrepartie, les participantes ayant reçu des capsules de promotion de la santé perçoivent davantage de changements relatifs à leurs connaissances au sujet de la santé. L’appréciation de l’intervention est également explicitée davantage à travers les rétroactions fournies par le biais des journaux de bord des participantes associées à la pleine conscience. De plus, le réinvestissement autonome a été plus largement répertorié chez ces mêmes participantes que chez celles ayant expérimenté la version de l’intervention incluant les capsules de promotion de la santé.
En raison du faible taux de réponses des élèves du groupe capsules-santé, de même que des changements importants relatifs aux conditions socio-sanitaires de la région, les données recueillies deux mois après l’intervention n’ont pas été analysées. La courte durée de l’intervention et des séances d’activités physiques, le contexte pandémique, la taille de l’échantillon et la nature très ponctuelle des outils de mesures quantitatifs face à une habitude de vie multifactorielle et nuancée représentent certaines limites associées à cette étude. Au-delà de ces limites, les résultats de cette étude laissent apparaître des changements relatifs aux perceptions des participantes en lien avec certaines de barrières psychologiques freinant la pratique d’activités physiques. Chacun des éléments ayant montré un changement s’inscrit en cohérence avec les mécanismes composant le modèle de l’ACT (Acceptance and commitment therapy) et l’approche de la pleine conscience.
Conséquemment, il pourrait s’avérer judicieux de considérer le processus de la pleine conscience tel que conceptualisé dans l’ACT dans l’élaboration d’interventions en activité physique. En somme, le présent projet suscite une réflexion quant à l’importance d’incarner l’approche de la pleine conscience, à titre d’intervenant ou d’intervenante, de façon à influencer positivement les perceptions et la relation avec l’activité physique des adolescentes.
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