Évolution du sentiment d'efficacité personnelle des stagiaires à gérer la classe durant un stage de longue durée au Québec : influence des pratiques d’accompagnement des personnes enseignantes associées

Abstract

La gestion de classe est une des compétences essentielles de l’enseignant pour créer un climat favorable à l’apprentissage. Dans leur rapport, Mulhern et Wexler (2013) considèrent qu’il est nécessaire d’investir du temps dans le développement de cette compétence dans la formation des futurs enseignants. Plusieurs estiment que les programmes de formation devraient se concentrer davantage sur cette compétence afin de mieux les préparer à leur insertion professionnelle (Black, 2015; Burns et Ysseldyke, 2009; Gable et al., 2012; Karsenti et al., 2013). Cette suggestion s’appuie sur le fait que les difficultés en matière de gestion de classe apparaissent au deuxième rang des principales raisons du décrochage professionnel des enseignants novices (Ingersoll et Smith, 2003; Karsenti et al., 2015). À cet effet, cultiver un sentiment d’efficacité personnelle (SEP) positif en lien avec la gestion de classe chez les stagiaires au cours de leur formation initiale constitue une piste de solution prometteuse (Karsenti et al., 2015).

Le SEP désigne les croyances de l’enseignant en ses capacités à réaliser avec succès une tâche précise, telle que la gestion de classe (Bandura, 1977). Selon Bandura (2007), quatre sources influencent le SEP : les expériences antérieures de maîtrise personnelle, l’apprentissage vicariant, la persuasion d’autrui et l’état physiologique et émotionnel. Au cours de la formation en enseignement, une ou plusieurs de ces sources peuvent influencer, à des degrés variés et selon les expériences vécues, le SEP des futurs enseignants à gérer la classe. Lors des expériences pratiques d’intervention, telles que les stages, ces sources peuvent être mobilisées significativement par les stagiaires (Bandura, 2019), ainsi que par les différents acteurs qui les accompagnent. C’est le cas plus particulièrement de la personne enseignante associée (PEA). Par l’entremise de ses pratiques d’accompagnement, la PEA peut potentiellement influencer le SEP des stagiaires (Monfette et Grenier, 2014; Amamou et al., 2018). Monfette (2012) montre à cet effet que chacune des pratiques d’accompagnement de la PEA peut être associée aux sources du SEP. Or, à notre connaissance, aucune recherche n’a étudié l’association entre ces pratiques et le niveau du SEP des stagiaires, plus spécifiquement en gestion de classe.

L’objectif principal de la recherche est d’étudier l'influence d’un stage de longue durée en enseignement sur le SEP des stagiaires à gérer la classe en considérant leurs caractéristiques personnelles, les caractéristiques du contexte de stage et de formation ainsi que les pratiques d’accompagnement de leur PEA.

Afin de poursuivre cet objectif, un questionnaire portant, d’une part, sur le SEP à gérer la classe et, d’autre part, sur les pratiques d’accompagnement des PEA, a été soumis avant, puis après le stage à 707 enseignants stagiaires québécois inscrits à leur troisième ou quatrième année dans un des quatre programmes de baccalauréat de formation à l’enseignement (BEÉPS, BEPP, BES et BEALS). Les participants provenaient de six établissements universitaires différents du Québec (UQAM, UQTR, UdeM, UQAT, ULaval et UdeS). Les données collectées ont été codées, compilées et traitées à l’aide des logiciels SPSS (version 26.0) et XLSTATS (Addinsoft, 2009). À partir de ces données, des statistiques descriptives et inférentielles ont été réalisées. Les résultats obtenus indiquent que près de la moitié des stagiaires de troisième et de quatrième années rapportent un SEP à gérer la classe de niveau modéré. Les stagiaires se sentent plus efficaces à gérer les ressources en classe (dimension 1). Ensuite, ils se sentent plutôt efficaces à établir des attentes claires (dimension 2) et à développer des relations sociales positives (dimension 4). Enfin, la dimension 3, qui consiste à capter et maintenir l’attention et l’engagement des élèves sur l’objet d’apprentissage, et la dimension 5, qui consiste à gérer les comportements difficiles des élèves, sont celles par rapport auxquelles les stagiaires se sentent le moins efficaces.

Les caractéristiques personnelles des stagiaires semblent avoir une influence modérée sur leur SEP à gérer la classe. Les stagiaires de genre masculin se sentent plus efficaces que leurs homologues féminines par rapport à la dimension 3 avant le stage ainsi que la dimension 5 avant et après le stage. Avant le stage, les stagiaires âgés de 25 ans et plus rapportent se sentir plus efficace à gérer la classe que leurs collègues. Par ailleurs, les stagiaires qui cumulent des expériences antérieures en intervention éducative qui dépassent trois années se sentent davantage efficaces que les autres au regard des dimensions 2, 4 et 5 de la gestion de classe. Pour ce qui est de l’influence des caractéristiques de l’expérience de stage et de la formation sur le SEP des stagiaires à gérer la classe, le niveau d’expertise dans les activités à enseigner (préstage) ou enseignées (poststage), le niveau de stage, le domaine de formation, le nombre de groupes enseignés, le degré de difficulté du groupe-classe et le degré de difficulté à gérer celui-ci, le degré de compétence de la PEA en gestion de classe et le nombre d’activités pédagogiques (AP) suivies en lien avec la gestion de classe ont tous des influences significatives.

Cette étude confirme également une évolution significative et positive du SEP des stagiaires à gérer leur classe à la suite d’un stage de longue durée. Les stagiaires interrogés dans le cadre de cette recherche concernant les pratiques d’accompagnement souhaitées de la part de leur PEA ont tendance à privilégier d’abord et avant tout un accompagnement qui les aide à se situer quant à leur niveau de développement professionnel (type 1). Ensuite, les pratiques d’accompagnement qui les aident à structurer les tâches liées à l’acte d’enseignement (type 2) sont modérément appréciées. Enfin, les pratiques d’accompagnement leur permettant de donner du sens à leur expérience de stage (type 3) semblent, a priori, les moins favorables selon les stagiaires, comparativement aux deux premières. Après le stage, l’appréciation des stagiaires des pratiques d’accompagnement de leur PEA, montre qu’ils ont reçu les pratiques d’accompagnement qu’ils souhaitaient recevoir en amont du stage. De plus, les analyses statistiques indiquent une association positive entre un niveau de SEP élevé à gérer la classe et un accompagnement de la part de la PEA qui combine les trois types de pratiques ou deux types de pratiques d’accompagnement (1 et 2; 2 et 3 ou 1 et 3) présentés précédemment. Ce constat est cohérent avec celui de l’étude de Vandercleyen et al. (2014) qui avancent qu’une PEA devrait à la fois diriger et soutenir le stagiaire afin d’éviter la tendance à vouloir faire ressortir un seul style « idéal » d’accompagnement. La combinaison de différents types de pratiques d’accompagnement pour influencer positivement le SEP des stagiaires à gérer leur classe, est également appuyé par Van Nieuwenhoven et Labeu (2010) et Vivegnis (2018) qui insistent sur l’importance d’une posture d’accompagnement en constant ajustement (évolution) pour s’adapter aux besoins du stagiaire et à son cheminement.

Les résultats qui découlent de cette recherche pourront alimenter les modules de formations continues à l’accompagnement des PEA et, par extension, des PSU. Par ailleurs, cette recherche illustre la complexité du processus d’accompagnement. Elle invite les chercheurs à adopter différentes techniques de collecte de données (questionnaire, entrevue, observation, etc.) provenant de différentes sources (stagiaire, PEA, PSU, chercheur, etc.) afin de contribuer à une compréhension approfondie du processus d’accompagnement et de ses effets sur le développement du SEP des stagiaires à gérer la classe.