Impact du probiotique Pediococcus acidilactici MA18/5M sur l’exclusion microbienne des Enterobacteriaceae et des gènes de résistance présents chez des porcs canulés à l’iléon

Abstract

La résistance aux antibiotiques est un enjeu mondial de santé publique et causant de nombreuse pertes économiques. En production animale, les antibiotiques sont utilisés de façon routinière depuis les années 1950, non seulement afin de traiter et prévenir les infections bactériennes, mais également en tant que promoteurs de croissance afin d’améliorer les performances zootechniques. Or, cette dernière utilisation est maintenant bannie depuis 2018 au Canada. En production porcine, les macrolides tels que l’érythromycine et la tylvalosine, sont des antibiotiques fréquemment employés afin de traiter les infections provoquées par des bactéries à Gram positives et négatives ainsi que des Mycoplasma. Les céphalosporines de 3e génération, tel que la céfotaxime, sont quant-à-eux des antibiotiques de haute importance en médecine humaine et utilisés en production porcine afin de traiter et prévenir diverses infections bactériennes. Toutefois, leur utilisation accrue peut avoir des effets néfastes impliquant le développement de bactéries résistantes et multi-résistantes produisant une enzyme nommée β-lactamase à spectre élargie. Cette utilisation accrue promeut en plus la prolifération de ces bactéries ainsi que la transmission des gènes associés, entre autres par transfert horizontal, entre les animaux, les humains et l’environnement. Par conséquent, il devient crucial de trouver des alternatives à l’utilisation des antibiotiques, en sachant bien qu’il est cependant impossible de les bannir entièrement. L’objectif de la recherche de ce mémoire a été d’évaluer l’impact de Pediococcus acidilactici MA18/5M en tant que probiotique afin de réduire l’abondance et les événements de transfert des gènes à partir d’entérobactéries résistantes à divers antibiotiques dans l’iléon et les fèces de six porcs canulés à l’iléon. Un total de 72 échantillons de digesta iléal et de fèces ont été collectés chez les porcs ayant reçu, selon un dispositif expérimental de double carré latin, le probiotique P. acidilactici MA18/5M (108 CFU/jour), l’antibiotique tylvalosine (250 mg/kg) ou la combinaison de P. acidilactici et de la tylvalosine. L’abondance des entérobactéries viables résistantes à la céfotaxime (CTX), l’érythromycine (ERY), la kanamycine (KAN), le sulfaméthoxazole-triméthoprime (SXT) ou le méropénème (MER) a été quantifiée sur des géloses contenant un milieu sélectif et différentiel supplémenté avec l’un ou l’autre des antibiotiques cités. Le probiotique a eu pour effet de diminuer l’abondance des entérobactéries résistantes à la céfotaxime dans l’iléon, mais a eu tendance à augmenter celles résistantes à l’érythromycine. Toutefois, P. acidilactici n’a pas eu d’impact significatif sur la charge d’entérobactéries résistantes à l’un de ces antibiotiques à l’étude dans les fèces. Ensuite, certaines populations bactériennes telles que les Lactobacillaceae, les Enterobacterieaceae et P. acidilactici ainsi que certains gènes codant pour des β-lactamases à spectre élargi ont été quantifiés. Les traitements administrés n’ont eu aucun impact significatif sur l’abondance des populations bactériennes à l’étude dans l’iléon et les fèces. L’administration du probiotique P. acidilactici MA18/5M a toutefois eu tendance à augmenter, dans les fèces, la charge bactérienne de P. acidilactici. De plus, l’administration de P. acidilactici MA18/5M a provoqué une diminution marquée des gènes blaCMY et blaTEM dans les fèces. Finalement, le potentiel de transfert des gènes impliqués dans la résistance à la céfotaxime et à l’érythromycine a été évalué par des essais de conjugaison bactérienne. Étonnamment, les entérobactéries provenant des animaux ayant reçu le probiotique étaient plus enclins aux événements de transfert pour les gènes causant la résistance à la céfotaxime, comparativement à celles des autres groupes d’animaux. Somme toute, bien que les mécanismes d’actions employés par P. acidilactici MA18/5M nécessiteraient davantage d’investigations, ce probiotique semble être une alternative prometteuse en production porcine afin de diminuer l’utilisation des antibiotiques et ainsi diminuer l’abondance des gènes impliqués dans la résistance aux antibiotiques dont les β-lactames. Cependant, davantage d’études seraient nécessaires afin de mieux comprendre l’impact de ce probiotique sur la propagation de ces gènes afin qu’il permette non seulement de minimiser le développement de gènes de résistance aux antibiotiques mais également minimiser leur propagation entre les troupeaux, les humains et dans l’environnement.