Production des subjectivités queers : rapports au temps, à l’espace, à la sexualité et à l’amour dans l’œuvre romanesque de Marie-Claire Blais
Publication date
2021Author(s)
Girard, Guillaume
Subject
QueerAbstract
La présente thèse porte sur la production des subjectivités queers dans les romans de l’autrice québécoise Marie-Claire Blais (1939-2021). À travers l’analyse de trois œuvres phares en matière de représentation des personnages homosexuels, lesbiens et queers (Le Loup [1972], L’Ange de la solitude [1989] et les sept derniers opus du cycle Soifs [2005-2018]), je me penche sur les rapports alternatifs que les personnages développent avec les dispositifs hétéropatriarcocapitalistes de production des subjectivités que sont le temps, l’espace, la sexualité et l’amour.
La première partie consiste en un survol des principaux concepts mobilisés dans cette thèse. Par l’intermédiaire des notions de dispositifs, d’affects, d’intersubjectivité et de care, je cherche alors à rendre intelligible la façon dont des subjectivités qui ne cadrent pas avec le système hétéropatriarcocapitaliste conjuguent avec les normes spatiotemporelles, sexuelles et amoureuses de l’idéologie dominante. Ce faisant, je mets en lumière la productivité des dispositifs de subjectivation ainsi que l’influence mutuelle se manifestant entre ces mêmes dispositifs et les réactions des personnages qui cherchent à s’ajuster ou à résister aux normes qui les oppriment, mais sans lesquelles leur existence en tant que sujets, pourtant déjà bafouée, est paradoxalement impossible.
Le deuxième chapitre met en relief le fonctionnement des subjectivités queers dans Le Loup, premier roman blaisien ne contenant que des personnages homosexuels. Il fait état du contexte particulièrement répressif avec lequel ces derniers sont aux prises. L’absence de communautés et la loi du secret façonnent durablement les subjectivités de ce roman, dont la diégèse précède la Révolution tranquille.
La troisième partie s’intéresse à la subjectivité des personnages lesbiens se trouvant dans L’Ange de la solitude, second et dernier récit blaisien consacré à la représentation de l’existence lesbienne (Rich). La vie en commune, seul véritable moyen de résister à l’omniprésence du néolibéralisme hétéropatriarcal de la décennie 1980, affecte des subjectivités certes moins effacées, mais dont l’existence au grand jour est encore précaire.
Le quatrième chapitre porte sur l’univers de Petites Cendres, personnage queer dont la présence dans les sept derniers tomes de la série Soifs s’avère la plus ample et la plus riche. Grâce à l’analyse de l’évolution de ce personnage et de ses relations avec ses amis, notamment Yinn et Robbie, je montre comment Blais donne à voir, au XXIe siècle, les subjectivités queers, dans un monde qui admet davantage la diversité qu’autrefois, mais dont les acquis pour les personnes LGBTQIA2S+ demeurent toujours fragiles. C’est ici sous le signe d’une communauté bien visible et de lieux de rassemblement solidement ancrés, quoique sans cesse menacés, que se forgent les subjectivités queers contemporaines dans les livres les plus récents de Blais.