Déterminants environnementaux et individuels de la sélection de microhabitats chez le Tamia rayé (Tamias striatus)
Publication date
2021Author(s)
Gaudreau-Rousseau, Camille
Subject
Sélection de microhabitatAbstract
La théorie de la sélection d’habitat repose sur la supposition que les animaux devraient avoir
évolué pour reconnaître et s’établir dans un environnement qui permet de maximiser leur survie
et leur reproduction, et ce, à toutes les échelles spatiales. On s’attend par ailleurs à ce que les
sites optimaux soient occupés en premier et que les individus se déplacent vers des sites de
qualité plus élevée lorsque possible, par exemple lorsqu'un autre résident disperse ou meurt, ou
lorsque des changements environnementaux se produisent. Toutefois, le grand nombre de
paramètres entrant en ligne de compte lors de la sélection d’habitat rend cette prédiction
d’idéalité plus ou moins exacte. Elle dépend en effet de multiples facteurs tels que la compétition
intra et interspécifique, les coûts de déplacement, les contraintes temporelles et l’acquisition
d’information adéquate sur la qualité des habitats disponibles. De plus, les préférences en termes
d’habitat peuvent varier selon certaines caractéristiques individuelles, et l’expérience
personnelle d’un individu peut influer sur sa perception de ce qui constitue un habitat de bonne
qualité. Ainsi, il est pertinent de suivre les décisions de sélection d'habitat d'individus connus
sur de longues échelles temporelles. La question du choix d’un site d’établissement revêt une
importance fondamentale du fait de ses conséquences potentielles sur la survie et la
reproduction. Ces conséquences sont accrues lorsqu’une espèce exploite un espace particulier
pendant une longue période par rapport à sa durée de vie.
Le Tamia rayé (Tamias striatus) est un petit rongeur solitaire et diurne habitant les forêts
décidues et utilisant un terrier pour entreposer les réserves de nourriture récoltée pendant l’été
en prévision de l’hiver. Le microhabitat le plus utilisé du domaine vital du tamia est celui situé
dans l’entourage immédiat du terrier. À l’intérieur d’une même population, des changements de
terriers peuvent être observés. L’objectif de ce projet était de définir l’importance relative des
différentes composantes environnementales et individuelles dans la sélection d’un microhabitat
de terrier au sein d’une population sauvage de tamias rayés du sud du Québec, dont la principale
source de nourriture est soumise à de fortes fluctuations annuelles.
En utilisant les données d'occupation des terriers de 2012 à 2019, j’ai d'abord établi les
caractéristiques des microhabitats favorisées pour l’établissement de terriers chez l’espèce en
les comparant avec celles de parcelles équivalentes inutilisées. Les résultats indiquent que les
terriers sont situés dans des microsites avec une plus grande abondance de débris ligneux et une
plus grande pente par rapport aux microsites sans terriers. Ces caractéristiques pourraient,
respectivement, favoriser l'évitement des prédateurs, entre autres en minimisant le bruit produit
par rapport à un mouvement dans la litière forestière, et permettre un meilleur drainage et une
meilleure isolation des terriers contre le gel.
J’ai ensuite examiné les facteurs populationnels influençant les taux d'occupation globale des
terriers au cours de la période d'étude. Les terriers les plus fréquemment occupés ont une plus
faible couverture arbustive et sont moins ouverts horizontalement, mais cette distinction varie
en fonction du sexe des occupants. En outre, il semblerait que les femelles aient tendance à
occuper majoritairement les terriers ayant un taux d’occupation bas, et dont le microhabitat est
donc présumé de faible qualité. Ceci pourrait être lié à une forme d’exclusion compétitive des
femelles par les mâles, refléter l'asymétrie des rôles reproductifs que l'on trouve généralement
chez les petits mammifères, ou encore constituer une forme de sélection d’habitat adaptative
ayant pour effet de diminuer le chevauchement intraspécifique dans l’utilisation des ressources.
Finalement, au niveau individuel, j’ai analysé les causes possibles des décisions de fidélité au
terrier ou de dispersion d’une année à l’autre. La fidélité au terrier était plus élevée en année de
faible production de nourriture et positivement liée au poids de l'occupant, à la quantité de débris
ligneux dans le microhabitat et à la densité d’érables à sucre matures dans le microhabitat. Il en
ressort que lors des années de forte densité de population, le nombre limité de terriers
disponibles rend plus critique le besoin de conserver un terrier déjà acquis et moins possible la
prospection et/ou le déplacement vers un microhabitat de meilleure qualité.
Globalement, la qualité d’un microhabitat de terrier semble être déterminée en partie par des
caractéristiques favorisant l’évitement de la prédation, mais la prise en compte de patrons
d’occupation et de fidélité sur plusieurs années permet d’en nuancer l’interprétation, illustrant
l'importance de considérer les facteurs individuels et contextuels dans les études de sélection
d’habitat.
Collection
- Moissonnage BAC [4252]
- Sciences – Mémoires [1752]