Les facteurs facilitant et perturbant la formation des mémoires

Abstract

La formation des mémoires est un phénomène neurobiologique complexe s’opérant à plusieurs niveaux d’analyse. Afin d’en faciliter l’étude, la formation des mémoires a souvent été étudiée avec des approches réductionnistes, ce qui limite le dialogue entre les différents niveaux d’analyse. Cette thèse propose une approche intégrative dont une considération clé est de lier – ne serait-ce que conceptuellement – l’étude comportementale à des phénomènes neurobiologiques documentés pour faciliter ou perturber la formation des mémoires. À cet effet, les grands cadres conceptuels moléculaires et cellulaires portant sur les facteurs facilitant et perturbant la formation des mémoires sont introduits et leur pertinence fonctionnelle dans l’étude des mémoires chez l’humain est discutée. De ces considérations naissent les trois projets constituant la présente thèse qui ont tous utilisé l’adaptation visuomotrice graduelle comme modèle expérimental pour étudier la formation des mémoires. Un premier projet porte sur des facteurs visant à faciliter la mise en mémoire. Spécifiquement, soutenu par des travaux neurobiologiques et comportementaux, ce premier projet a testé l’hypothèse que la présence de récompenses monétaires faciliterait la plasticité de type Hebbienne prenant place pendant une période de surapprentissage, ayant ainsi pour effet de potentialiser la formation des mémoires. Les résultats ont indiqué que les récompenses disponibles de façon intermittente (50 %) ont potentialisé la formation des mémoires lorsque combinées à une période de surapprentissage comparativement à lorsque les récompenses étaient absentes (0 %) ou disponibles de façon continue (100 %). Globalement, ce premier projet indique que la combinaison de récompenses intermittentes et d’une période de surapprentissage est un facteur facilitant la mise en mémoire. Les deuxième et troisième projets portent sur les facteurs perturbant la formation des mémoires. Ceux-ci sont introduits dans le cadre théorique comportemental de l’interférence antérograde et proposent essentiellement que ce phénomène puisse être médié par l’émergence de contraintes homéostatiques plutôt que par une compétition entre des mémoires motrices sur la base de travaux neurobiologiques. Le deuxième projet a testé l’hypothèse qu’en absence de compétition entre les mémoires, un apprentissage initial réduira de façons temps-, dose- et apprentissage-dépendantes les capacités subséquentes de formation des mémoires de la même tâche. Les résultats ont confirmé ces hypothèses et suggèrent que la compétition entre des mémoires n’est pas nécessaire pour que l’interférence antérograde émerge. Le troisième projet a cherché à confirmer cette dernière suggestion et a testé l’hypothèse que l’interférence antérograde émerge en fonction du gradient de similitude entre deux tâches. Une manipulation comportementale a été mise sur pied afin d’induire un gradient de similitude entre les tâches. Les résultats ont confirmé que l’interférence antérograde émerge en fonction du gradient de similitude entre deux tâches et indépendamment de la compétition entre les mémoires. Globalement, ces projets indiquent que l’apprentissage porte un coût, soit celui de perturber temporairement les capacités subséquentes d’apprentissage, et ce, en absence de compétition entre les mémoires. L’intégration de ces trois projets, leurs implications, des pistes pour des expérimentations futures ainsi que des réflexions et perspectives sont offertes en discussion.