Modélisation métabolique à l’échelle du génome de la bactérie quasi-minimale Mesoplasma florum

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Publication date
2021Author(s)
Lachance, Jean-Christophe
Subject
Biologie des systèmesAbstract
Des avancées significatives au niveau de la synthèse et de l’assemblage de fragments d’acide désoxyribonucléique (ADN), le support physique des fonctions cellulaires encodées dans une cellule vivante, permettent maintenant la construction de génomes entiers. Ce progrès permet d’imaginer que la conception d’organismes synthétiques deviendra routinière au cours des prochaines années. Cette capacité promet de transformer radicalement le domaine de la biologie en formant une nouvelle discipline d’ingénierie biologique. Parmi les retombées anticipées, on note le remplacement de synthèses chimiques par des procédés biologiques renouvelables tels que la production de biocarburants, la synthèse de médicaments microbiens, ou des approches alternatives pour le traitement des maladies.
Dans ce contexte, il devient particulièrement important d’arriver à prédire correctement le phénotype résultant des génomes qui seront générés. Pour y arriver, il convient de réduire la complexité biologique en travaillant d’abord avec les cellules les plus simples possibles. Ce type d’organisme ayant subi un processus de réduction de génome et dont la majorité des gènes sont essentiels afin de survivre en conditions définies se nomme une cellule minimale. Le groupe phylogénétique des mollicutes, bactéries dépourvues de paroi cellulaire, contient les espèces vivant avec les plus petits génomes connus à ce jour. Membre de ce groupe, le pathogène humain Mycoplasma genitalium possède le plus petit génome capable de croissance autonome (560kbp codant pour 482 protéines. Cependant, sa pathogénicité et sa vitesse de croissance réduite (~24h) limitent l’applicabilité de M. genitalium en biologie synthétique.
Pour remédier à ce problème, notre laboratoire a choisi de travailler avec Mesoplasma florum dont le temps de doublement est très rapide (~32 min) et qui ne cause pas de maladies chez l’humain. Les travaux effectués chez M. florum permettent maintenant le clonage et la transplantation de son génome et des travaux récents ont permis de caractériser les propriétés physico-chimiques de sa cellule ainsi que plusieurs paramètres biologiques. Afin de permettre la conception de génomes synthétiques basés sur M. florum, il convient d’intégrer un maximum de connaissances dans un cadre informatique structuré capable de générer des prédictions phénotypiques. Un modèle métabolique à l’échelle du génome (GEM) reposant sur la méthode d’analyse des flux à l’équilibre (FBA) représente un format particulièrement intéressant pour initier ces travaux de biologie des systèmes.
La qualité des prédictions générées par ce type de modèle est dépendante de la précision de l’objectif à atteindre. Pour simuler la croissance, les GEMs doivent satisfaire un objectif nommé “fonction objective de biomasse” (BOF) qui contient l’ensemble des métabolites nécessaires à la production d’une nouvelle cellule avec des coefficients stœchiométriques représentatifs de l’abondance de ces composantes dans la cellule. Pendant mon parcours de doctorat, j’ai développé le logiciel BOFdat qui permet la définition d’une BOF représentative de la composition cellulaire spécifique à une espèce avec les données expérimentales associées. Les deux premières des trois étapes de BOFdat déterminent les coefficients stoechiométriques de molécules connues pour faire partie de la composition cellulaire telles que les macromolécules principales (étape 1, ADN, ARN et protéines) et les coenzymes essentiels (étape 2). L’étape 3 de BOFdat propose une méthode non-biaisée pour déterminer les métabolites susceptibles d’améliorer la prédiction d’essentialité des gènes formulée par le modèle. Pour ce faire, un algorithme génétique maximise la composition de la biomasse en fonction des données d’essentialité expérimentales à l’échelle du génome. BOFdat a été validé en reconstruisant la BOF du modèle iML1515 de la bactérie modèle Escherichia coli. L’utilisation de BOFdat a permis de récapituler le taux de croissance prédit avec la BOF originale tout en améliorant la qualité des prédictions d’essentialité de gènes de iML1515. BOFdat est disponible en libre accès pour quiconque désire construire une BOF pour un modèle métabolique.
Ensuite, un GEM nommé iJL208 a été produit et contient 208 des 676 protéines représentant l’ensemble du métabolisme de M. florum. La qualité de l’annotation du génome a d’abord été évaluée en intégrant l’information obtenue par trois approches bio-informatiques, révélant que la majorité des protéines (418/676) ont une qualité suffisante pour être incorporées dans le modèle. Ensuite, les réactions ont été identifiées et rigoureusement incorporées une à la fois afin de construire le réseau métabolique de cette bactérie quasi-minimale. L’étude de la carte métabolique reconstruite révèle une dépendance prononcée pour l’import de composantes à partir du milieu de culture ainsi que l’importance des mécanismes de recyclage des métabolites. Pour sa production d’énergie, M. florum est entièrement dépendante de la glycolyse et ne possède pas la machinerie nécessaire à la respiration cellulaire. L’élaboration d’un milieu de culture semi-défini a réduit la présence de sucres contaminants dans le milieu de culture initial et ainsi de distinguer la croissance avec ou sans supplémentation de sucrose. Cette avancée importante a permis de mesurer les taux d’assimilation de sucrose et de production des déchets métaboliques lactate et acétate. Ces paramètres ont été utilisés afin de contraindre le modèle et de mieux comprendre la sensibilité du modèle à une variété de paramètres. Aussi, la croissance de M. florum a pu être validée expérimentalement avec différents sucres. L’information contextuelle obtenue, combinée à une analyse de structures tridimensionnelles de protéines clés, a permis de suggérer des hypothèses crédibles supportant l’assimilation de ces sucres par M. florum.
Finalement, iJL208 a été utilisé afin de formuler une prédiction de génome minimal pour M. florum en simulant itérativement de larges délétions dans son génome. Combiner l’intégration de données expérimentales avec les prédictions du modèle constitue une voie d’avenir pour la conception de génomes synthétiques qui rejoint les capacités techniques d’assemblage de chromosomes en biologie synthétique. Globalement, les projets réalisés au cours de mon doctorat contribuent à l’avancement de la biologie des systèmes chez M. florum dans le but de prédire efficacement les phénotypes de la souche naturelle et de variants synthétiques qui pourront être produits au cours des prochaines années.
Collection
- Moissonnage BAC [3248]
- Sciences – Thèses [718]
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