dc.description.abstract | Les molécules possédant deux ou plusieurs noyaux atomiques de spin non nul, positionnés de manière à être reliés entre eux par une opération de symétrie, existent sous la forme \emph{d'isomères de spin nucléaire}.
Pour la molécule d'eau par exemple, avec ses deux protons en positions équivalentes, il existe deux isomères possibles que l'on nomme \emph{ortho} et \emph{para}.
Étant donnée son importance dans plusieurs domaines scientifiques, la ``molécule de la vie'' a été, et est toujours, largement étudiée.
C'est notamment le cas en astrophysique, où les isomères de spin ortho et para servent d'intermédiaires au calcul de la température d'objets célestes tels que les comètes ou les planètes en formation.
Les différents isomères de spin de l'eau peuvent théoriquement être considérés comme complètement distincts, car les interactions impliquant les spins nucléaires sont extrêmement faibles, faisant en sorte que le caractère ortho ou para d'une molécule d'eau isolée est conservé sur un temps extrêmement long, supérieur à des milliards d'années.
Cela a mené la communauté astrophysique à utiliser les isomères de spin comme ``horloge astronomique'' révélatrice de l'historique thermique des objets célestes.
Ces temps de vie étant incommensurables avec l'observation expérimentale du processus de conversion, très peu de choses sont connues sur les mécanismes possibles pour la conversion des isomères de spin nucléaire.
En laboratoire, la manière la plus simple d'étudier la molécule d'eau dans des conditions contrôlées de température et de dilution représentatives du milieu interstellaire, est le confinement en matrice de gaz rare.
En effet, en piégeant une impureté dans un cristal inerte, les interactions intermoléculaires sont éliminées et il devient possible d'étudier la molécule dans des conditions simulant la phase gazeuse, mais à des températures de quelques degrés Kelvin seulement.
Bien qu'elle soit extrêmement longue en théorie, la conversion entre les isomères ortho et para est observée dans ces conditions de confinement drastique, sur une échelle de temps de quelques heures seulement.
Cette observation va de paire avec des signatures spectroscopiques propres aux molécules confinées, inexistantes en phase gazeuse.
De plus, de récents résultats expérimentaux montrent que la cinétique associée au processus de conversion est dépendante de la composition isotopique de la molécule d'eau.
Ces observations surprenantes forment la base sur laquelle repose les travaux entrepris dans cette thèse, qui sont divisés en deux parties complémentaires.
En premier lieu, les effets de confinement sur la dynamique de la molécule d'eau sont étudiés à l'aide de simulations par dynamique moléculaire classique.
Cette méthode permet d'étudier les effets isotopiques de manière systématique en modifiant la distribution de masse de la molécule.
Elle permet également de modifier indépendamment chaque paramètre lié au milieu de confinement, telle que la taille de la cavité formée par les atomes voisins de la molécule d'eau ou le potentiel d'interaction entre l'impureté et le cristal.
Ainsi, cette approche par simulation vient étendre le spectre des observations possibles expérimentalement.
Toutes les simulations sont effectuées à l'aide d'un programme informatique spécialement conçut et écrit par l'auteur de cette thèse pour répondre à cette problématique.
Ces simulations montrent que, même si la rotation de la molécule d'eau reste libre lorsque celle-ci est piégée en matrice, le confinement a pour effet d'imposer une orientation préférentielle qui couple position et orientation de la molécule dans la cavité.
Le calcul des spectres vibrationnels à partir des trajectoires simulées confirme que ce mouvement composite est responsable des signatures spectroscopiques propres aux molécules confinées observées expérimentalement.
De plus, les simulations permettent de mettre en évidence que la force du couplage entre la rotation et la translation du centre de masse est fortement dépendante de la distribution de masse de la molécule d'eau, et, dans une moindre mesure, des conditions de confinement.
Ces observations viennent valider les hypothèses posées dans le cadre du modèle théorique du rotateur confiné, proposé dans la littérature.
L'exploitation de ce modèle de chimie quantique constitue le deuxième ensemble de résultats présentés dans cette thèse.
En traitant la molécule d'eau comme un rotateur asymétrique rigide, dont la translation du centre de masse est restreinte à des oscillations harmoniques et isotropes autour d'une position d'équilibre représentant le centre de la cavité de confinement, on obtient un modèle physique intuitif permettant de calculer les états quantiques de la molécule d'eau confinée.
Le couplage entre la rotation et la translation, révélé par les simulations classiques, est pris en compte par l'ajout d'un terme dans l'Hamiltonien, minimisant l'énergie potentielle pour certaines orientations.
Ce modèle est paramétré par deux variables représentant la force du potentiel de confinement et la force du couplage rotation-translation, permettant ainsi de facilement prendre en compte les effets isotopiques.
En diagonalisant l'Hamiltonien du rotateur confiné, paramétré pour reproduire les transitions expérimentales des différents isotopomères de l'eau en matrice, la compositions des états quantiques du rotateur confiné est obtenue.
Cette composition montre que les états du rotateur confiné sont très différents de ceux du rotateur libre, correspondant à la molécule d'eau en phase gazeuse, et permet de mettre en évidence un couplage entre les états quantiques qui ouvre la voie à un nouveau mécanisme de conversion propre aux molécules confinées.
Ainsi, les travaux présentés dans cette thèse complètent différentes études expérimentales effectuées dans le laboratoire Ayotte et en collaboration avec des partenaires internationaux pour proposer un nouveau mécanisme de conversion des isomères de spin nucléaire de l'eau confinée en matrice, apportant une explication qualitative quant aux cinétiques observées pour les différents isotopomères de l'eau et à leurs dépendances en température. | fr |