L'utilisation de la dérogation clinique dans l'évaluation du risque de récidive des jeunes contrevenants
Publication date
2020Author(s)
Bilodeau, Marie-Pier
Subject
Dérogation cliniqueAbstract
Au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, l’évaluation du risque de récidive s’effectue par le biais d’un instrument standardisé, le Youth Level of Service/Case Management Inventory (YLS/CMI; Hoge & Andrews, 2006). Lorsque l’outil est complété, le clinicien peut faire appel à son jugement professionnel discrétionnaire pour décider s’il effectue une dérogation clinique l’amenant à modifier le niveau de risque fourni par l’instrument. Cette pratique, qui atteint 74% dans certaines organisations (Schmidt et al., 2015), peut s’avérer préjudiciable car elle réduit la validité prédictive de l’instrument (Guay & Parent, 2018) et ainsi, la probabilité que le jeune reçoive une intervention adaptée à ses besoins. Ce mémoire doctoral avait donc pour objectif d’évaluer certains facteurs pouvant influencer l’utilisation de la dérogation clinique, soit 1) les caractéristiques sociodémographiques du jeune (sexe, âge au moment du premier YLS/CMI, origine ethnoculturelle), 2) les paramètres de sa carrière criminelle (précocité, nombre total d’antécédents, type des crimes, gravité des crimes, polymorphisme et sévérité maximale des sanctions reçues) et 3) les résultats provenant du YLS/CMI (scores aux domaines de risque, score total, niveau de risque, nombre d’autres besoins et considérations). L’analyse multivariée effectuée à partir du dossier de 584 jeunes contrevenants a permis d’identifier le sexe du jeune, la sévérité maximale des sanctions qu’il a reçues et son score au domaine attitudes et tendances antisociales, comme facteurs influençant le recours à la dérogation clinique. Cette étude fournit des pistes de réflexion critiques à l’égard des facteurs en jeu dans l’évaluation des jeunes contrevenants pour tenter d’expliquer ces résultats. D’une part, la possible présence de biais découlant d’heuristiques dans le processus décisionnel des cliniciens est discutée, afin d’offrir des hypothèses explicatives à l’égard de l’aspect cognitif de la prise de décision. L’impact des expériences passées et des associations automatiques sur les décisions actuelles est réfléchi. D’autre part, les possibles réactions contre-transférentielles vécues par les cliniciens dans la relation avec le jeune sont discutées, afin de considérer l’aspect affectif dans la prise de décision (p. ex., les réactions typiques devant des jeunes présentant des traits antisociaux, la tolérance aux émotions difficiles, l’effet du sexe du jeune sur la relation). Les retombées cliniques découlant de ces réflexions sont diverses, tant pour les délégués à la jeunesse évaluant le risque de récidive des jeunes contrevenants, que pour les psychologues évaluant le risque de dangerosité de ces mêmes jeunes et offrant de la consultation à leurs collègues délégués à la jeunesse. Ces résultats soulèvent l’importance de questionner ses propres processus réflexifs afin de prendre conscience des facteurs les sous-tendant, et mettent ainsi de l’avant des pistes de formation intéressantes sur la dérogation clinique pour les organisations détenant un mandat d’évaluation du risque de récidive. Des pistes de recherches futures sont finalement élaborées, afin de bonifier la compréhension des enjeux reliés à la prise de décision lors de l’évaluation auprès des jeunes contrevenants.
Collection
- Moissonnage BAC [3168]
- Lettres et sciences humaines – Mémoires [2261]