Étude démographique des effets de la densité intraspécifique chez la lobélie gonflée (Lobelia inflata L.)

Abstract

La lobélie gonflée (Lobelia inflata L.) est une plante annuelle qui peut s'établir et compléter son cycle vital dans une communauté végétale dominée par des espèces vivaces déjà établies. À ce titre, cette espèce constitue un sujet d'étude intéressant dans le cadre d'un projet de recherche qui vise à comprendre comment une espèce végétale peut réussir à s'introduire dans une communauté bien établie où elle était auparavant absente. Dans le but de comprendre comment la lobélie gonflée s'adapte aux conditions qui prévalent dans les communautés qu'elle envahit, et dans l'optique d'une première étude de la démographie de cette espèce, nous avons choisi d'examiner sa réponse démographique à la densité intraspécifique. Des plants de lobélie gonflée ont été soumis à cinq densités différentes variant entre 100 et 1600 plants/m². À trois reprises au cours de la saison de croissance, chaque plant marqué a été examiné pour effectuer un suivi de sa croissance en longueur et de sa phénologie. À la fin de la saison, des mesures et des comptages ont été faits pour que soient relevés la taille ou le nombre, de, même que la biomasse des organes végétatifs et reproducteurs de ces mêmes plants. En complément à l'expérience sur les effets de la densité, des tests de germination et de viabilité ont été effectués pour obtenir des informations sur la démographie et les besoins de la lobélie gonflée. De plus, une expérience a été réalisée pour déterminer si la floraison de cette espèce dépend de besoins photopériodiques. Les résultats démontrent qu'à l'échelle de chaque individu, toutes les variables mesurées en fin de saison quant à la taille, au nombre ou à la biomasse des organes végétatifs et reproducteurs ont été significativement affectées de façon négative par la densité. De plus, la distribution des fréquences de biomasses parmi les individus composant chaque échantillon révèle l'établissement d'une nette hiérarchie de l'exploitation des ressources à plus forte densité. Cependant, le taux de survie s'est maintenu à 100% parmi les cinq échantillons pendant toute la saison de croissance. À l'échelle de chacun des cinq échantillons, les résultats indiquent l'existence d'un mécanisme de régulation des populations qui opère en réponse à la densité. En effet, la fécondité moyenne par plant a diminué avec l'augmentation de la densité, mais le nombre de graines produites par unité de surface est demeuré sensiblement constant sur toute l'étendue des densités testées. Ces résultats révèlent aussi que cette espèce possède une grande capacité de reproduction, qui a pour effet de multiplier par un facteur de plusieurs centaines le nombre de graines semées dans un espace donné. D'autre part, les résultats issus des autres expériences indiquent que cette espèce possède une banque de graines et que sa floraison manifeste une réponse photopériodique. Les résultats ayant trait à la croissance et à la phénologie démontrent que les densités les plus fortes ont généré une accélération de la croissance en longueur de la tige en début de saison, de même qu'une accélération phénologique chez les plants testés. Ces résultats sont interprétés en termes de stratégies visant à éviter la compétition ou à en amoindrir les impacts négatifs. Enfin, une stratégie d'invasion propre à la lobélie gonflée est définie suite à l'analyse des résultats et à partir des caractéristiques connues de cette espèce. Les éléments constituants de cette stratégie d'invasion mettent en évidence le caractère nettement rudéral de la capacité de la lobélie gonflée à s'établir dans une communauté végétale.