La création romanesque chez François Mauriac

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Publication date
1972Author(s)
Talbot, Raphael
Abstract
En bâtissant notre thèse autour de l'idée maîtresse des contraires complémentaires dont nous avons recherché toutes les formes et toutes les manifestations importantes afin de suivre la direction qu'elles indiquaient, nous avons essayé de mettre en lumière ce qui appartient en propre au romancier, à partir de sa manière de travailler et des résultats qu'elle a produits. Nous avons non seulement trouvé dans l'oeuvre les catégories générales d'univers romanesque et de réalisation mais encore les catégories particulières dont nous avions besoin et même des définitions, une terminologie, des critères d'appréciation. Fondée sur le module de la fréquence et sur le principe de l'unité dans la diversité, notre démarche souligne aussi bien les dérogations que la fidélité de l'écrivain à ses propres normes, entre autres, à son habitude de commencer un roman en fonction d'un personnage en situation de crise et s'imposant à l'artiste précisément comme tel. Derrière ce "mécanisme", nous avons cherché à déceler l'optique du créateur, sa vision du monde, et les moyens qu'il a utilisés pour la rendre "sensible, tangible, odorant(e)". Les relations apparentes ou cachées entre cette vision et ces moyens ont surtout retenu notre attention. Si nous avons travaillé sur le texte imprimé, nous avons examiné soigneusement tous les manuscrits conservés à la Bibliothèque Jacques Doucet, surveillant les notes, les projets, les dates de rédaction afin de déterminer le rythme de travail du romancier ainsi que les lieux, les personnes et les circonstances susceptibles de l'inspirer. Nous avons également interrogé quelques-uns de ceux qui l'ont vu à l'oeuvre et l'ont assisté, en particulier Mme Mauriac, M. Jacques Robichon et Mlle Armelle Roux de Bezieux, sa secrétaire au Figaro littéraire, dont les témoignages concordent avec ceux de Georges Charensol et de l'auteur lui-même. Ce faisant, nous avons cherché à découvrir les lois de la mystérieuse alchimie de la création mauriacienne, de ce que l'auteur nomme la "transposition du réel". Ce n'est pas parce que nous avons été aveuglé par la sympathie que nous n'avons pas eu à procéder à des abattages, à dépouiller l'oeuvre de faux brillants, mais plutôt parce que l'écrivain ne l'en avait pas ornée. En effet, Mauriac est un écrivain sobre qui ne mystifie pas son art. Est-il besoin de dire que nous ne partageons pas tous les jugements qu'il porte sur ses oeuvres? Nous estimons excessive la sévérité dont il use à l'endroit de ses premiers romans, notamment La Robe prétexte, La Chair et le sang et Préséances. Par contre, nous n'avons pas les mêmes raisons que lui d'être touché par L'Enfant chargé de chaînes.