Valorisation de la chitine par sa transformation en produits chitine/chitosane variés, grâce à des procédés thermo-mécano-chimiques et enzymatiques

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Publication date
1991Author(s)
Pelletier, Anne
Abstract
La chitine est, après la cellulose, le second polysaccharide le plus abondant, sa source naturelle principale étant les carapaces de crustacés où elle se retrouve sous forme de complexe chitino-protéique. Au Québec, les pêcheries produisent environ 10 000 tonnes par année de ces "déchets" dont elles disposent soit en les rejetant à la mer, soit en les exportant au Japon ... où la chitine en est extraite. En Amérique du nord, le marché éventuel de la chitine et de ses dérivés est évalué à 335 millions de dollars mais l'ouverture de ce marché semble freinée, d'une part, par le coût relativement élevé des matières premières (carapaces) et d'autre part, par les coûts de production des dérivés de chitine. L'étude menée ici évalue l'efficacité de technologies non-traditionnelles dans les processus de déacétylation et de dépolymérisation de la chitine, dans une stratégie de valorisation qui mise sur des coûts de production réduits de dérivés chitine/chitosane dont les caractéristiques (pourcentage d'acétylation et degré de polymérisation (d.p.)) seraient ajustables sur demande. La déacétylation de la chitine a été tentée par des méthodes de thermo-mécano-chimie (TMC) qui s'avèrent une alternative prometteuse aux méthodes couramment utilisées. En résumé, une suspension de chitine en milieu basique (10 % NaOH) est traitée 90 secondes à des températures variant de 200 à 230°C dans un autoclave à cascade où elle subit ensuite une décompression rapide. Dans ces conditions, la déacétylation observée est dépendante de la température de traitement et un passage à 230°C résulte en une déacétylation complète de la chitine (en autant que celle-ci soit d'abord mercerisée 24 heures à 4°C en 50 % NaOH). La déacétylation contrôlée de la chitine par TMC est donc réalisable et ce, tout en diminuant le temps de réaction et la concentration de NaOH nécessaires dans les méthodes couramment utilisées, ce qui devrait permettre une baisse des coûts de transformation. Une approche enzymatique a été expérimentée afin de dépolymériser les chitine/chitosane produits par TMC. L'utilisation de deux types d'enzymes simultanément permet d'hydrolyser efficacement (à environ 50 %) des chitine/chitosane dont les taux d'acétylation varient de 0 à 100 %. Pour ces hydrolyses, les chitinases de Serratia marcescens et la chitosanase A de Bacillus megaterium spP1 ont été employées. Puisqu'aucune chitosanase n'est disponible sur le marché, cette dernière enzyme a dû être isolée et caractérisée au cours des présents travaux. La souche B. megaterium spP1 possède une activité chitosanolytique impliquant au moins 3 enzymes sécrétées (chitosanases A, B et C) parmi lesquelles la chitosanase A s'avère intéressante pour une éventuelle utilisation commerciale. Elle est active dans l'intervalle de pH 4,5 à 6,5 et semble stable jusqu'à 45°C tandis que l'hydrolyse optimale du chitosane se produit à 50°C. Les caractéristiques cinétiques de la chitosanase A, déterminées à 22°C, pH 5,6, sont un Km apparent de 0,8 mg/ml et un Vmax de 280 U/mg, résultant en une efficacité (mesurée par le rapport Vmax/Km) très élevée lorsque comparée aux chitosanases déjà caractérisées. De plus, la chitosanase A semble hydrolyser le chitosane de façon endoglycolitique, ce qui est essentiel à l'obtention d'oligomères de d.p. variables. La seule limite à l'hydrolyse enzymatique commerciale des chitine/chitosane est la grande quantité de chitosanase A nécessaire en comparaison avec la faible quantité d'enzyme purifiée à partir des cultures induites de B. megaterium. Pour cette raison, le gène de la chitosanase A a été cloné, en utilisant le vecteur pBR-322 et la bactérie hôte E. coli DH5a. Le sous-clonage dans un vecteur d'expression permettra ensuite l'obtention de quantités d'enzyme raisonnables pour une utilisation commerciale. Les deux processus imaginés afin d'abord de déacétyler la chitine puis de dépolymériser les chitine/chitosane obtenus sont donc efficaces dans les conditions expérimentales. Leur éventuelle application commerciale dépendra de leur rendement suite à la mise à l'échelle industrielle, de la qualité des produits et des coûts de production finaux.