Détermination de l'emplacement des sites de traitement des déchets

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Publication date
1995Author(s)
Bérubé, Luc
Abstract
Chaque jour, des entreprises et des individus produisent des tonnes de déchets dont l'impact peut être néfaste pour l'écosystème et la santé humaine. Depuis quelques décennies, la gestion et le traitement' de ces déchets furent la cause de nombreux débats2 entre les divers groupes intéressés par la question. Ce genre de situation constitue un excellent exemple de la façon dont une décision politique, comme le choix de site pour traiter ces rebuts, peut modifier le bien-être des individus affectés par une telle décision. Plus particulièrement, ce problème montre les conflits pouvant survenir lorsqu'un groupe spécifique doit supporter les coûts d'une mesure dont bénéficie le reste de la société. En effet, pendant que les avantages reliés à l'installation d'un site de gestion des déchets - économie d'échelle, meilleur contrôle, etc. - profitent à l'ensemble d'une région ou d'un État, les coûts occasionnés par un tel emplacement - risques pour la santé des personnes et de l'écosystème environnant, danger d'accident écologique, désagréments divers - sont concentrés sur une superficie beaucoup plus restreinte. Ce genre de situation comporte d'importants risques politiques pour les instances gouvernementales responsables de la gestion des déchets. D'un côté, elles doivent disposer le plus efficacement possible d'une quantité sans cesse croissante de déchets souvent dangereux. Mais elles doivent en même temps faire face à des menaces de contestation de la part des communautés considérées pour la gestion de ces déchets. En effet, l'instance gouvernementale ayant à prendre une décision quant à l'emplacement du site de déchets sera sujette à l'influence des bénéficiaires et victimes potentiels de cette décision politique. Cette influence pourra se présenter sous diverses formes de pressions sur le gouvernement, en particulier de la part des localités qui pourraient être affectées par le site, elles qui voudront éviter de subir les coûts associés à celui-ci. Ce phénomène a été rendu célèbre par l'expression "Pas dans ma cours" et par l'acronyme "NIMBY" (de l'anglais Not In My Backyard). Les individus, les groupes et les communautés contestataires font preuve de rationalité, au sens économique, en s'opposant à des projets menaçant de diminuer leur bien-être'. On ne peut donc pas accuser ces derniers d'être poussés par l'irrationalité. Cependant, la nature et l'ampleur des pressions effectuées peuvent varier d'une situation à l'autre. En certaines circonstances, il est possible que les communautés n'exercent pratiquement aucune pression afin d'éviter de recevoir un site de traitement. Le but de ce travail sera donc de déterminer, de façon générale, les stratégies utilisées par les gens et les administrations locales dans ce genre de situation, de même que les facteurs pouvant affecter de façon significative le choix de ces stratégies. Ces stratégies et facteurs seront étudiés par le biais d'un modèle inspiré par la théorie économique des jeux et par certains travaux sur les rentes et transferts politiquement contestables. Les mécanismes menant au choix d'un site, ainsi que les différents types de traitement de déchets seront peu ou pas considérés dans l'élaboration de cet ouvrage. Le modèle qui sera utilisé s'établit comme suit. On veut entreposer, enfouir, traiter ou recycler une quantité donnée de déchets, déjà existants ou à être produite, à l'intérieur d'une région donnée. Tous les intervenants sont d'accord sur le fait que l'on doive établir un site pour le traitement de ces déchets dans la région. Toutefois, ce site occasionnera une perte de confort, relative ou réelle, à la localité qui l'accueillera éventuellement. Les localités concernées ont cependant l'opportunité d'exercer des pressions (représentations, manifestations, pétitions, recours judiciaires, etc.) sur l'instance décisionnelle afin d'éviter que le site soit installé chez elle. De plus, le processus politique est tel que cette instance, du moins les politiciens qui la constituent, est sensible aux pressions effectuées. On suppose que la localité choisie sera celle qui aura effectué le moins de pression pour y empêcher la construction éventuelle du site. Il semble également nécessaire d'élaborer un cadre général à l'intérieur duquel évoluera le modèle. De manière plus spécifique, il faudra déterminer le mécanisme par lequel un palier gouvernemental choisira la localité qui héritera du site de traitement des déchets. C'est dans cette optique que sera développée une fonction cherchant à décrire l'influence relative des localités sur l'instance décisionnelle. Les pressions effectuées par ces localités y constitueront un facteur prépondérant. Certains autres facteurs pourront avoir un effet sur cette fonction dont un, le nombre d'habitants des communautés considérées, sera étudié de façon plus approfondie. La fonction d'influence est inspirée en grande partie de travaux de l'économiste américain Gary Becker sur les choix publics et les groupes de pression. Une des principales prémisses de ce travail (et qui le distingue de nombreux ouvrages sur les rentes et transferts constables) est que la valeur de la "récompense" obtenue (i.e. la perte de bien-être causée par l'installation éventuelle du site dans une localité) sera perçue de façon différente d'une localité à l'autre. C'est ainsi qu'il devient intéressant de chercher à définir les variables caractérisant la perte de bien-être des communautés considérées. De même, on peut tenter de décrire l'influence de ces variables sur les stratégies utilisées par les localités. Trois facteurs seront plus spécifiquement étudiés : le niveau de richesse des individus, la sensibilité de l'écosystème d'une localité, et enfin le degré de sensibilisation des citoyens d'une localité face au problème de la gestion des déchets. Finalement, quelques conclusions et remarques générales seront élaborées pour clore ce mémoire.