Le motif de l'identité. Essais et correspondances littéraires sur la poésie québécoise

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Publication date
1992Author(s)
Beausoleil, Claude
Abstract
Le poème est une sculpture sonore. Dans la poésie québécoise; le motif de l'identité se module depuis l'origine, pour dire, dans la répétition et la variation, une même obsession fondamentale: un désir d'être aux diverses facettes. J'utilise le terme de «motif», dans le sens où Bernard Dupriez le définit dans le Gradus, comme «unité de sens, susceptible d'avoir une fonction dans le discours», aussi par analogie au motif musical décrit comme un «patron dynamique qui impose sa forme» à un tout, mais, également, dans le sens de retour incessant, de thème concret qui tisse sa trame avec insistance dans un ensemble architecturé. Étymologiquement, le «motif» est «ce qui met en mouvement», aussi ce qui suscite l'action ou mobilise. Appliqué à la notion d'identité, le terme «motif» devient opératoire et éclaire une question qui est présente dans toutes les étapes de l'histoire de la poésie québécoise. Je considère le corpus de la poésie québécoise comme un ensemble, avec son évolution, ses constituantes propres, mais, également, avec ses interrelations avec l'histoire d'autres poésies, le tout perçu dans un réseau de transformations qui ont redéfini sans cesse la poésie depuis le siècle dernier. La poésie québécoise est née en plein romantisme et elle doit à ce mouvement littéraire son emportement pour la nature, son goût aussi pour l'engagement, et l'introspection. Ce sont là des caractéristiques que l'on retrouve comme moteurs du romantisme européen qui, au dix-neuvième siècle, influença les poésies du monde occidental. Parler de la poésie demande d'exprimer clairement de quel point de vue on veut en parler. Mêler le sentiment poétique impressionniste avec ce genre littéraire qu'est la poésie ne fait pas de sens par rapport à une meilleure compréhension de la poésie comme textes, comme écriture spécifique. La notion de poésie est souvent utilisée à tort et à travers pour désigner des sensations qui seraient repérables soit dans la nature, dans une situation de vie quelconque ou dans une attitude émanant d'une réalité extérieure au livre imprimé dans lequel se retrouvent groupés des poèmes. Cette mise au point vise à bien indiquer que ce dont je parlerai est de poésie écrite, circonscrite à l'intérieur d'un genre et d'une forme. Le poème est un objet sensible, analysable, déterminé par une autonomie formelle sans laquelle il n'existerait pas. Sans nier qu'il puisse y avoir de la poésie dans une pièce de théâtre ou dans un roman, ou encore dans un tableau ou un paysage, il est important de noter cet angle choisi, pour que les propos soient perçus dans le cadre dans lequel ils ont été élaborés. […]