Le poids de l'exil : l’autobiographie au féminin. Essai et fiction

View/ Open
Publication date
1994Author(s)
Sedghi, Nazila
Abstract
Création d'un discours amoureux. Écrire. Naissance d'un moment de la vie où je suis venue au monde, par moi-même, avec de nouvelles aspirations, avec des capacités autres. Un moment où le désir d'exprimer mes sentiments a donné lieu à un espace «amoureux», dans lequel je puisais constamment. Il me fallait également donner un sens positif au monde englobant de l'extérieur, où le contact avec les choses et les gens ne me mettent plus en présence que de moi-même, où la vie intérieure s'oppose à la vie extérieure comme un premier dépaysement. Cela consiste à effectuer l'effort de l'abandon de soi, dans le déploiement même de l'énergie personnelle, dans l'acte de création (notamment d'écriture). Le processus de création, celui qui serre de tout près la vie personnelle et qui réussit à tracer les grandes lignes de l'expérience intime, résulte, chez moi, d'un profond conflit qui m'aura placée dans une situation difficile face à l'existence : l'exil. Tantôt fascinée et confuse, tantôt troublée et ravie, je me suis senti une vocation d'aller vers l'inconnu, vers l'être caché qui, par le langage, émerge des profondeurs. Écrire l'autre en soi et l'autre hors de soi, c'est déchiffrer la vraie nature du réel, c'est succomber à la «tentation autobiographique» ; la forme d'écriture la plus satisfaisante de la connaissance de soi. Voici en quelques lignes le thème central de ma recherche vers lequel s'oriente ce mémoire : la création d'un espace où l'écriture autobiographique parle du sens intime de ma fascination pour l'univers du chant de la mère et pour celui de la subjectivité. Dans ma démarche et dans mon questionnement sur le sujet et sur l'écriture autobiographiques, j'ai parcouru plusieurs écrits constituant la voie de cette méditation, à savoir «qu'est-ce que le désir autobiographique ?» Pour écrire ce que nous avons à écrire, à dire, à inventer, il fait bon croire à l'intelligence et au savoir des intellectuels/intellectuelles, lorsque leur science nous comble. Mais, en ce qui concerne mon sujet, je n'ai pu mettre la main que sur très peu de choses. Il n'existe aucune recherche sur les écrits intimes de femmes orientales, aucun texte traduit, aucune autobiographie de femme orientale. Le monde oriental (en l'occurrence l'Iran) fait une place importante, dans sa littérature moderne et dans sa poésie, aux écrits de femmes. La poésie a toujours été un lieu privilégié pour que la femme orientale puisse parler de son univers personnel. La parole de la femme orientale est touchante; enveloppée d'une beauté fragile et douloureuse, elle dégage une grande sincérité qui, jusqu'à la première libération de la femme iranienne du joug d'une société patriarcale et hautement religieuse, était restée plus ou moins ignorée des hautes sphères de la littérature (roman et essai). Dans le monde occidental, la femme orientale et sa littérature sont encore méconnues. Alors j'ai décidé d'écrire, de vivre, d'imaginer les souvenirs d'une femme sexagénaire (une Persane) et de percer son monde intérieur. Par ailleurs, les écrits techniques des théoriciens de la littérature (comme Georges Gusdorf, Philippe Lejeune, Serge Doubrovsky, Jean Starobinski, Gérard Genette, Roland Barthes, etc.) m'ont invitée à entreprendre, à l'égard de l'autobiographie, une démarche individuelle et à formuler ma conception personnelle. De l'autobiographie, ils m'ont aidée à comprendre les théories de l'objectivité et de la subjectivité. [...]